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Intervention de William Roos

Réunion du mercredi 22 novembre 2023 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

William Roos, chef de service des affaires multilatérales et du développement à la direction générale du Trésor :

Au sein de la direction du Trésor, je suis en charge des affaires multilatérales et du développement, notamment en charge du Club de Paris, avec notre directeur général Emmanuel Moulin.

Nous travaillons au quotidien sur les sujets d'évolution de l'endettement et de restructuration de dettes, mais nous couvrons aussi le volet financement, puisque nous gérons les banques multilatérales de développement, notre présence au Fonds monétaire international (FMI), ainsi que les relations bilatérales avec les pays d'Afrique sub-saharienne et la co-tutelle de l'Agence française de développement (AFD). Les enjeux de restructuration de dettes ne constituent donc qu'une petite part du sujet.

Ma présentation insistera particulièrement sur le volet budgétaire. Les pressions pour augmenter les dépenses sont nombreuses, compte tenu des différents chocs – le choc Covid, le choc du conflit en Ukraine –, mais également des besoins spécifiques liés à la sécurité ou aux catastrophes naturelles. En revanche, la capacité à financer ces dépenses a été moindre que celle des pays avancés, compte tenu d'une politique monétaire et d'une structuration financière totalement différente de celle que nous connaissons.

Les déficits ont augmenté et l'enjeu consiste aujourd'hui à retrouver une trajectoire soutenable : plus que le niveau de la dette à proprement parler, c'est la trajectoire d'endettement qui importe, au même titre que les règles budgétaires que l'on se donne pour assurer une soutenabilité à moyen terme. À ce titre, il convient de diminuer les dépenses qui ne sont pas efficaces, par exemple les subventions à la consommation d'énergies fossiles, qui ne bénéficient pas de manière préférentielle aux personnes les plus pauvres, et qui peuvent représenter plusieurs points de PIB dans le budget d'un État. À cet égard, la hausse du niveau des recettes fiscales – qui est globalement faible - fait partie de la solution, notamment par l'augmentation des bases taxables ou le relèvement de certains niveaux d'imposition.

Cela n'enlève en rien les besoins de financement extrêmement importants de ces pays pour répondre aux objectifs de développement, aux enjeux climatiques et sécuritaires. Les sources de financement peuvent être internes ou externes. Dans de nombreux pays se sont développés des marchés financiers locaux permettant des émissions de dettes souscrites par les acteurs locaux. Cependant, les institutions financières locales ont atteint une limite en termes prudentiels. Assez peu de pays africains ont accès aux marchés obligataires internationaux et à des émissions d'eurobonds[1] sur le marché obligataire, lesquelles n'ont d'ailleurs pas eu lieu en Afrique subsaharienne depuis le début de l'année 2022. Même les pays qui étaient les plus insérés dans les marchés financiers internationaux sont confrontés à des difficultés, notamment liées à la remontée des taux et une aversion au risque plus grande des investisseurs internationaux. Des pays comme le Ghana ne sont plus aujourd'hui en situation de pouvoir refinancer les eurobonds qui arrivent à maturité. Par ailleurs, pour la plupart des pays, le financement externe concessionnel ou commercial s'effectue plus de manière bilatérale ou multilatérale.

Pendant plusieurs années, après l'initiative des pays pauvres très endettés (PPTE) ayant conduit à de nombreuses annulations de dette, de nouveaux créanciers sont apparus, dont la Chine, mais également des créanciers privés dont des banques, ou dans certains pays, des créanciers obligataires. Nous assistons aujourd'hui à un tarissement très important des financements chinois, qui avaient porté de nombreux projets d'infrastructures en Afrique. Ainsi, certains pays ne bénéficient plus de financements nets de la part de la Chine. Ensuite, dans le contexte de la guerre en Ukraine, les flux d'aide publique au développement vers l'Afrique ont diminué. La France est ici un contre-exemple puisque nous avons continué à augmenter nos financements d'aide au développement.

Le besoin d'un financement concessionnel ou à bas coût a été à l'origine de l'initiative portée par le Président de la République d'un sommet sur le financement des économies africaines, en 2021. Ce sommet constituait la reconnaissance de la légitimité de cette question et cherchait à trouver des pistes de solution. En 2021, nous avons soutenu une dynamique de financement vers l'Afrique, notamment à travers l'allocation exceptionnelle de droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI. Ainsi, 100 milliards de dollars de DTS figurant dans les réserves des pays développés ont été mobilisés en faveur des pays vulnérables, et en grande partie en Afrique. Des appels ont également porté sur la reconstitution ambitieuse de poches concessionnelles en dons ou en prêts à très bas taux d'intérêt, de la part de la Banque mondiale ou de la Banque africaine de développement. Pendant la période de la Covid, a été prise une initiative de suspension du service de la dette : les remboursements ont été stoppés puis rééchelonnés avec le même taux d'intérêt. Cet allégement des paiements avait pour objectif d'accroître les ressources disponibles des pays africains et leur permettre de faire face aux difficultés engendrées par la crise sanitaire.

Au-delà, demeurent des problèmes structurels de dette. À la fin de l'année 2021, nous avons mis en place un « cadre commun » entre les pays du Club de Paris (qui comprend des émergents comme le Brésil ou l'Afrique du Sud) et du G20 non membres du Club (Arabie Saoudite, Chine, Inde, Turquie), une structure qui n'est pas limitée aux pays développés et qui demeure attractive pour les pays émergents créanciers. Ce cadre commun partait du constat qu'il était nécessaire de mener un dialogue avec la Chine, qui est souvent le premier pays détenteur de dette dans les pays d'Afrique. Aujourd'hui, le FMI estime qu'il n'existe pas de risque systémique de crise de dette, que la situation n'implique pas une réduction transversale et automatique du stock de dette des pays, et qu'il faut les analyser au cas par cas.

Au sein du Club de Paris, dont le secrétaire général Philippe Guyonnet Dupeyrat est parmi nous aujourd'hui, nous avons traité le dossier du Tchad, il y a quelques mois. Quand le pays a demandé une restructuration de sa dette, les prix du pétrole étaient bas, mais compte tenu de la lenteur du processus, et c'est une critique justifiée, le pétrole était remonté lorsqu'il fut question de décider. Dès lors, il n'était plus nécessaire de procéder à un traitement de dettes quantitatif. Si les prix du pétrole devaient redevenir bas, nous nous sommes engagés à opérer un traitement de dettes. Nous avons donné au Tchad un levier pour négocier un reprofilage des paiements envers son principal créancier, qui est un créancier privé, Glencore.

Actuellement, nous finalisons le cas de la Zambie, à travers un reprofilage très fort : nous modifions totalement les flux de paiement sur l'ensemble des dettes, qui permet une réduction de 40 % en termes de valeur actualisée nette. Ces efforts importants donnent du levier pour que la Zambie négocie avec le comité de créanciers obligataires.

Un accord sur les grands paramètres est presque achevé avec le Ghana et nous sommes dans l'attente d'un accord technique entre le FMI et l'Éthiopie ( staff level agreement ). Au-delà des restructurations de dettes, nous réfléchissons à des clauses interrompant automatiquement le paiement du service de la dette en cas de catastrophe naturelle (« CRDC – climate resilient debt clauses »). Le sommet pour un nouveau pacte financier de Paris en juin 2023 a non seulement reconnu toutes ces avancées, mais il a également couvert des questions que vous avez posées, Monsieur le Président, sur l'importance d'avancer vers de nouvelles sources de financement. Une task force est ainsi chargée de sujets comme la taxation maritime ou la taxation de l'aérien.

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