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Intervention de Jean-Daniel Lévy

Réunion du jeudi 25 janvier 2024 à 11h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Daniel Lévy, directeur délégué de Harris Interactive France :

Les Français méconnaissent les conditions de travail des journalistes, de même que les contraintes éditoriales, les contraintes de temps ou de vérification des sources. Par ailleurs, lors des enquêtes que nous avons menées, il ne semble pas non plus que ces sujets les passionnent particulièrement. Ils estiment que ce métier, toujours considéré plutôt comme prestigieux, a été délibérément choisi par ceux qui l'exercent et comporte, comme tous les autres, des contraintes. Ils pourraient peut-être cependant changer d'avis s'ils devaient être confrontés aux injonctions contradictoires auxquelles sont soumis les journalistes, s'ils avaient connaissance des difficultés du métier. Malgré tout, à ce jour, ils sont surtout intéressés par le « produit fini » plus que par les conditions de production de l'information.

En outre, les Français ne parviennent pas toujours à distinguer les éditorialistes des journalistes ou des présentateurs. À leur décharge, les frontières ne sont pas toujours très affirmées : sur certaines chaînes d'information, le présentateur peut devenir un « expert » en fonction des émissions, avant de redevenir une personne chargée de distribuer la parole. En revanche, la distinction avec les influenceurs est mieux établie, d'autant plus qu'ils interviennent sur des réseaux particuliers.

Il est exact que la séparation entre, d'une part, les réseaux sociaux et internet et, d'autre part, les médias traditionnels est peut-être exagérée par rapport à la réalité de la consommation. Dans les années 1970, 1980 voire 1990, la socialisation autour du type de média jouait un rôle dans l'appropriation de l'information. Aujourd'hui, lorsque nous interrogeons les Français, et singulièrement les plus jeunes générations, pour savoir sur quel type de média ils ont entendu, vu ou lu une information, le label d'origine, même s'il s'agit d'un label de qualité, est quand même un peu moins identifié. Culturellement, les jeunes générations ont été construites de cette manière, sans avoir toujours conscience des différentes lignes éditoriales.

Par ailleurs, il est vrai que les Français peuvent avoir le sentiment de l'existence d'une forme de caste politico-journalistique parisienne. De ce fait, les responsables politiques peuvent se voir reprocher de ne pas chercher à convaincre les Français, mais plutôt les journalistes qui évoluent dans le même univers qu'eux, avec lesquels ils discutent de sujets éloignés des véritables préoccupations de nos compatriotes.

Enfin, la différence entre les journalistes de terrain et les journalistes de plateau est évidente, y compris auprès des jeunes générations. La perception plutôt favorable de la PQR par rapport à d'autres formes de médias en est ainsi un témoignage assez clair. De même, HugoDécrypte est perçu comme étant au contact des préoccupations des individus.

À l'heure actuelle, nous assistons même à l'émergence de commentaires en direct des prises de parole de responsables politiques par des « décrypteurs » sur différents réseaux sociaux, dont Twitch par exemple. Dès lors, la personne qui s'intéresse à l'événement ne va pas toujours entendre la totalité du propos du responsable politique, mais plutôt le commentaire ou le décryptage qui en est fait en direct, sur le format d'un commentaire de rencontre sportive, celle d'un match de football par exemple. Nous avons notamment observé ce phénomène chez les plus jeunes lors de la présentation des vœux d'Emmanuel Macron ou de la récente conférence de presse du Président de la République.

Nous assistons donc à une nouvelle forme de consommation des médias, sans confrontation directe avec l'événement. S'agit-il d'une disqualification de l'information ou des médias traditionnels ? Peut-être. Il s'agit peut-être également d'une manière d'aller plus au fond des sujets ou de remettre en cause la question de la suspicion. Il faut également souligner que ces nouvelles modalités d'accès à l'information sont, une fois encore, gratuites. Comme nous l'avons indiqué précédemment, ces publics estiment qu'ils n'ont pas besoin de payer pour satisfaire leur besoin d'information.

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