Il faut évidemment situer la question de la confiance dans les médias dans le contexte plus général de la confiance envers les acteurs du politique. Nos enquêtes, comme celles produites par d'autres chercheurs ou instituts de sondage, montrent que les acteurs de l'espace public – personnels politiques, médias – sont ceux qui bénéficient des taux de confiance les moins élevés. Il faut cependant rappeler qu'au cours des quinze années d'existence du baromètre de la confiance politique du Cevipof, nous avons déjà connu des taux de confiance dans les médias plus faibles que les 28 % que vous avez cités précédemment.
Comment expliquer cette défiance ? La confiance est un mécanisme qui repose sur un « pari » envers les autres, l'idée que l'on sera payé en retour de cette confiance. À cet égard, les médias présentent une particularité : il leur est difficile de « renvoyer la balle » et de montrer que le lien sera réciproque. Cet élément fait écho à l'enjeu plus général de la pluralité en démocratie, mais aussi à celui du caractère vérifié d'une information et à la capacité des médias à reconnaître qu'ils se sont trompés.
L'autre question fondamentale a trait à l'éducation aux médias. Il ne faut pas noircir le tableau : notre système scolaire et les acteurs de la société civile œuvrent ici dans le même sens pour éduquer les citoyens à être de bons décodeurs de l'information, en mesure de mettre en perspective et de comparer les informations, au même titre que le font les journalistes. De fait, de nouveaux métiers sont apparus dans l'espace médiatique, comme les fact checkers ou le journalisme fondé sur l'analyse empirique des données.
Bien évidemment, en tant que chercheur et enseignant universitaire, je ne dirai jamais que l'on perd du temps en éduquant et en formant. Même si cela est compliqué et long, même si les résultats ne sont pas instantanément perceptibles, nous savons que nous avançons dans la bonne direction. Une grande station de radio publique nationale déploie ainsi un slogan que je trouve particulièrement pertinent quand elle dit à propos d'elle-même : « Pas juste l'info, l'info juste ».
La question du pluralisme total dans les médias est également essentielle. À cet égard, le public peut éprouver le sentiment que les invités des plateaux sont toujours les mêmes et qu'ils sont sollicités pour discuter toujours des mêmes sujets. De ce point de vue, il demeure sans doute beaucoup à accomplir en matière de formation de l'agenda médiatique. Beaucoup ont ainsi le sentiment que l'on parle toujours de la même chose et que de nombreux problèmes sont laissés de côté. Par exemple, des sujets aussi essentiels que la grande exclusion sociale ou la pauvreté ne sont pratiquement jamais traités.
Les commentateurs de l'actualité politique sont aussi fréquemment frappés par un syndrome de Cassandre, qui les conduit à privilégier les drames ou les trains qui n'arrivent pas à l'heure, oubliant que de nombreuses choses fonctionnent. Ces phénomènes entraînent parfois une forme de lassitude chez les citoyens, qui ont l'impression que les mêmes sujets sont toujours évoqués par les mêmes personnes.
J'imagine que vos réflexions porteront notamment sur la manière d'accentuer le pluralisme, y compris à l'intérieur de chaînes « de niche ». Les propositions qui consistent à s'adresser à des publics très segmentés sont légitimes, mais la question du pluralisme au sein de ces segments devient malgré tout très importante.