Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux avec une table ronde sur la perception des Français à l'égard des médias et de l'information, dans le contexte de la tenue des États généraux de l'information.
Je souhaite la bienvenue, en votre nom à tous, à M. Bruno Cautrès, chercheur CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po Paris (Cevipof), M. Jean-Daniel Lévy, directeur délégué de Harris Interactive France, et Mme Laure Salvaing, directrice générale des études de l'agence Verian France. M. Cautrès participe à nos débats en visioconférence depuis le Brésil où il assure des enseignements au sein de l'Université de São Paulo.
Je vous remercie tous les trois de vous être rendus disponibles pour échanger avec les membres de la commission sur une problématique à laquelle les pouvoirs publics cherchent des réponses depuis de nombreuses années : la défiance des Français à l'égard des médias. Ce phénomène, déjà ancien, semble s'amplifier. En février 2023, le baromètre de la confiance politique du Cevipof montrait que seuls 28 % des Français avaient extrêmement confiance ou plutôt confiance dans les médias, contre 69 % n'ayant plutôt pas confiance ou pas du tout confiance en eux.
Le journal La Croix et l'agence Verian, dans le trente-septième baromètre sur la confiance des Français dans les médias, parviennent à des conclusions similaires : 54 % des Français pensent que « la plupart du temps, il faut se méfier de ce que disent les médias sur les grands sujets d'actualité », contre 37 % qui estiment au contraire que l'on peut en général leur faire confiance.
Les doutes sur l'impartialité et l'indépendance des journalistes constituent l'une des premières causes de cette défiance à laquelle la loi du 24 novembre 2016, dite « loi Bloche » a souhaité apporter des réponses, notamment en instaurant une obligation pour les entreprises de presse d'adopter une charte déontologique ou en créant des comités d'éthique au sein des services de radio ou de télévision. Mon collègue Inaki Echaniz et moi-même, rapporteurs d'une mission d'évaluation de la loi Bloche, avons constaté au cours de nos travaux que ces deux obligations étaient peu connues, notamment du grand public.
Comment analysez-vous l'évolution de la confiance des Français dans les médias ? Outre le déficit supposé d'indépendance et d'impartialité des journalistes, quels sont les ressorts de la défiance ? Je formule une hypothèse, que vous confirmerez ou infirmerez : n'observe-t-on pas un repli des Français sur un nombre restreint de médias, qui conforte le lectorat dans ses convictions ? Ce phénomène n'alimente-t-il pas la défiance à l'encontre des « mauvais médias », c'est-à-dire ceux qui ne partagent pas vos convictions et qui, de ce fait, seraient forcément biaisés ? En effet, selon le baromètre 2023 de la confiance des Français dans les médias, seulement 50 % d'entre eux déclarent se faire leur opinion sur un sujet d'actualité en confrontant ce qu'en disent plusieurs médias. Comment inciter les Français à des comportements plus pluralistes ? Que nous apprennent les comparaisons avec les pays de l'Union européenne ?