La commission d'enquête sénatoriale ne s'est pas trompée en évoquant un phénomène tentaculaire pour parler de l'influence des cabinets de conseil sur les politiques de l'État. Pourtant, le recours massif aux cabinets de conseil n'avait jamais donné lieu à un débat public ni à des votes. Nous, députés, contrôlons l'action du Gouvernement, mais qui contrôle l'action des cabinets de conseil ?
Contrôler le recours à ces cabinets et leur action dans les politiques publiques, c'est ce qu'entend ou entendait faire ce texte. J'envisage de parler au passé, car si ce texte a été adopté à la quasi-unanimité au Sénat, nous ne sommes pas dupes des manœuvres employées ici, à l'Assemblée nationale, par un Gouvernement qui semble très embêté par son contenu et qui propose, par le biais d'amendements, de le rendre inopérant. Ainsi, la Macronie entend saccager le travail de la commission d'enquête et des sénateurs, en particulier en matière de transparence. Déjà, l'article 10 relatif aux conflits d'intérêts a été amoindri en commission, tandis que l'article 15, qui vise à exclure facilement les cabinets sanctionnés de la commande publique, et l'article 16, relatif au pantouflage, ont été littéralement supprimés à l'initiative de la minorité présidentielle.
Nous proposerons d'ailleurs, comme d'autres groupes de l'opposition, et dans certains cas les rapporteurs, de rétablir les articles voulus par la commission d'enquête et adoptés par le Sénat.
Le Gouvernement entend également supprimer l'article 3, qui permettrait à la représentation nationale de contrôler le recours aux cabinets de conseil par l'État et qui constitue le cœur du texte. Rappelons que le contrôle de l'action du Gouvernement et l'évaluation des politiques publiques sont deux missions confiées aux parlementaires par la Constitution.
Le Gouvernement a traîné des pieds pendant plus d'un an avant que ce texte, adopté par le Sénat en octobre 2022, soit inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Maintenant qu'il est contraint de l'examiner, il cherche à le dévitaliser. Et pour cause : depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Élysée, le montant des dépenses des différents ministères en prestations de conseil a triplé, atteignant 1 milliard d'euros en 2021. L'omniprésence de ces cabinets, en particulier de McKinsey, avait commencé dès la campagne du futur président : une vingtaine de consultants du cabinet y ont participé, sans que ce travail soit facturé ni déclaré au titre des comptes de campagne.