En préambule, je veux saluer la qualité du travail parlementaire qui a conduit à la genèse de cette proposition de loi. En premier lieu, la commission d'enquête sénatoriale a fourni des conclusions alarmantes et choquantes au sujet de la force de frappe des cabinets de conseil et de leur influence grandissante dans les politiques publiques – je ne reviens pas sur le constat alarmant dressé par M. Sansu. Puis, une fois dissipée l'écume du scandale des cabinets de conseil, le législateur s'est saisi de l'enjeu majeur de l'intégrité de l'action publique.
Enjeu complexe en ce qu'il met en question les compétences des fonctionnaires et souligne la nécessité de donner du sens à la fonction publique grâce à une formation qui lui permette de progresser et de s'adapter aux demandes nouvelles.
Complexe, il l'est aussi parce que nous savons tous que les cabinets de conseil sont indispensables dans certains pans de l'action publique ; l'administration, en dépit de l'excellence de ses fonctionnaires, ne pourra être performante dans tous les secteurs. Cependant, en toutes circonstances, l'État doit avoir pour objectif de maintenir la qualité et de maîtriser les orientations des politiques publiques. C'est pourquoi nous soutenons l'amendement, adopté en commission, qui rappelle que les projets de loi étant l'affaire de l'administration, leur rédaction ne peut être confiée à un cabinet de conseil.
L'État doit également conserver la maîtrise des missions confiées à un cabinet de conseil et être en mesure d'en assurer le contrôle, l'évaluation et les suites.
D'autre part, il apparaît nécessaire de réguler l'intervention des cabinets de conseil dans l'action publique. Depuis plusieurs années, cette intervention des cabinets privés auprès de l'État ne cesse de s'accroître, pour définir une stratégie, élaborer une politique publique, concevoir une organisation ou une gestion des ressources humaines. Dans l'opacité la plus totale, l'État a eu recours à des prestations dont le montant atteignait parfois plusieurs millions d'euros. En 2021, les dépenses de conseil ont dépassé le milliard d'euros, dont 893 millions pour les ministères. Ces montants excessivement élevés concernent des prestations parfois évitables, sans réel contrôle ni évaluation. En cela, la circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022 constitue la première pierre d'un arsenal juridique à consolider.
Sur le fond, le présent texte remplit plusieurs objectifs. Il renforce les obligations de transparence, avec la publication par les ministères d'un rapport énumérant les prestations de conseil auxquelles ils ont eu recours. L'exigence de transparence doit également s'imposer avant l'exécution de la prestation, en particulier pour les agents publics concernés, qui doivent en être informés – ne serait-ce que par respect pour leur travail. Le texte encadre davantage le recours aux prestations, en renforçant leur évaluation a posteriori. Il conforte les principes déontologiques applicables aux consultants. Je suis heureuse de constater qu'enfin, dans cet hémicycle, le terme de « déontologie » n'est plus un vilain mot.
Cependant, la prévention des conflits d'intérêts et le respect des principes déontologiques ne peuvent reposer sur la seule Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Comme l'a souligné le rapporteur Millienne, le référent déontologue désigné au sein de chaque administration doit prendre toute sa part dans cette mission. Grâce à ce texte, nous participerons à la diffusion d'une culture déontologique à laquelle je suis très attachée ; c'est un des éléments de la lutte contre la corruption, thème sur lequel j'ai eu l'occasion d'interroger Bruno Le Maire cet après-midi lors des questions au Gouvernement.
Nous nous interrogeons sur le champ d'application de ce texte, qui n'inclut pas les collectivités territoriales. Notre amendement, bien que revu et atténué, a été déclaré irrecevable ; nous le regrettons et peinons à le comprendre, puisqu'il avait été jugé recevable en commission.