À la demande des groupes Démocrate et Gauche démocrate et républicaine, la conférence des présidents de notre assemblée a finalement décidé, près de quinze mois après sa transmission, d'inscrire à notre ordre du jour la proposition de loi encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques.
Ce texte est très attendu. Il fait suite, comme l'a rappelé mon collègue Nicolas Sansu – avec qui j'ai eu grand plaisir à travailler –, à la commission d'enquête du Sénat sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, qui avait dressé un constat mitigé du recours par l'État auxdits cabinets et relevé l'importance des dépenses consacrées à leurs conseils ainsi que les insuffisances du cadre actuel.
La proposition de loi traduit sous forme législative l'essentiel des recommandations de la commission d'enquête. Elle comporte des mesures nouvelles applicables aux cabinets de conseil comme aux administrations, mesures que l'on peut classer en trois catégories : celles relevant du principe de transparence, les règles déontologiques et les obligations déclaratives. Je tiens à souligner que le Gouvernement a procédé à des ajustements majeurs dans son recours aux cabinets de conseil, en prenant en compte les remarques de nos collègues sénateurs.
Ces dispositions sont ambitieuses, mais souvent trop lourdes. Au cours de nos travaux, nous avons donc été soucieux de rechercher un meilleur équilibre entre les obligations prévues par le texte et le nécessaire encadrement de l'action des cabinets de conseil. Nous avons cherché à mieux proportionner ces obligations aux risques et aux enjeux, de façon à les rendre plus opérationnelles. La commission des lois a ainsi adopté soixante-quatre amendements et procédé à des ajustements significatifs.
Tout d'abord, elle a recentré le champ d'application du texte, qu'il s'agisse des administrations bénéficiaires ou des prestations de conseil concernées. Nous avons ainsi réduit la catégorie des établissements publics de l'État concernés aux seuls établissements dont les dépenses de fonctionnement sont supérieures à 60 millions d'euros, afin de ne pas y attraire les plus petits d'entre eux, pour lesquels les enjeux paraissent limités.
Nous avons exclu la Caisse des dépôts, du fait des spécificités de cet établissement, tout en prévoyant des obligations de transparence équivalentes, mais selon des modalités adaptées. Je soutiendrai, pour des raisons analogues, l'amendement de Gilles Le Gendre et celui de Jean-René Cazeneuve qui visent à exclure respectivement les établissements non administratifs et l'Agence des participations de l'État (APE) du champ du texte. La commission a également modifié le périmètre des prestations informatiques concernées pour le limiter aux seules prestations les plus stratégiques.
S'agissant des collectivités, nous avons préféré, comme l'a rappelé Nicolas Sansu, approfondir la question plutôt que nous prononcer hâtivement.
Ensuite, la commission a recherché une meilleure proportionnalité et une plus grande subsidiarité dans la mise en œuvre des obligations déontologiques. Nous avons donc transformé la déclaration exhaustive, exacte et sincère des intérêts en une attestation d'absence de conflit d'intérêts, pour les prestataires comme pour les consultants. Ainsi, dans le cas où le prestataire ou le consultant estimerait être en situation de potentiel conflit d'intérêts, il devrait en déclarer les raisons à l'administration ; seules les informations pertinentes seraient alors transmises à cette dernière.
Plusieurs difficultés avaient été soulevées concernant la déclaration d'intérêts telle qu'elle était envisagée dans le texte du Sénat : les informations exigées étaient trop nombreuses, trop intrusives, trop complexes à contrôler et potentiellement sans lien avec les risques en présence. Le nouveau dispositif est plus souple, mais il n'en est pas moins exigeant. S'agissant d'un document opposable, il sera tout aussi efficace juridiquement pour prévenir les conflits d'intérêts. Nous avons par ailleurs décidé d'associer les référents déontologues des administrations concernées, dans une recherche de subsidiarité.
Par ailleurs, notre commission a approuvé le principe des obligations de transparence inscrit dans le texte et n'a pas modifié, sur le fond, la nature des informations concernées. À l'article 6, elle a prévu que l'évaluation de la prestation, qui doit être systématiquement réalisée, doit justifier les raisons pour lesquelles l'administration a recouru à une prestation de conseil plutôt qu'à des ressources internes.
Nous avons également harmonisé les obligations de publication avec les protections prévues par le droit de la communication des documents administratifs et explicitement prévu la compétence de la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) pour statuer sur les éventuels refus de communication.
Enfin, nous avons allégé d'autres obligations, notamment en assouplissant celles relatives aux audits de sécurité informatique.
Pour conclure, le texte que nous nous apprêtons à examiner est important et attendu par nos concitoyens. Des allégements supplémentaires, de forme et non de fond, vous seront présentés par le Gouvernement. Parce que les crises que nous traversons nous imposent de mettre fin à la suradministration qui gangrène les moyens de l'État, je soutiendrai ces simplifications et vous appelle, en responsabilité, à faire de même.