Pour Jean Monnet, le plus beau métier du monde, c'est de réunir les Hommes, avec un grand H.
Je vais vous lire un courrier que m'a adressé un jeune médiateur scolaire, Loïc, qui nous montre le chemin pour vivre ensemble de manière apaisée. « Je veux être médiateur parce que je pense que ma personnalité et mon caractère conviendraient bien à cette responsabilité. En effet, je suis serein, j'aime aider mes camarades, j'aime écouter les autres, je reconnais facilement les émotions et je suis empathique. Je suis réfléchi et je voudrais être médiateur pour tester l'expérience d'être impartial et bien résoudre des problèmes. Dernière information, je veux être médiateur parce que le métier que je souhaiterais faire, c'est secrétaire général des Nations unies, comme par exemple Kofi Annan ou Boutros Boutros-Ghali. » Quel beau message d'un gamin de 11 ans à nous, adultes, sur la manière de faire société – l'écoute, l'empathie, l'expérience, l'impartialité !
Pourquoi ai-je souhaité que me soit confiée par le Premier ministre une mission sur la médiation ? Un soir, j'ai vu un reportage d'« Envoyé spécial » dans lequel une grand-mère ne parvenait pas à récupérer son logement, qui était occupé par deux locataires. Les services de l'État du Gard, que j'ai interrogés, m'ont répondu que, comme le veut la loi, ces personnes avaient un bail et que même s'ils ne payaient pas leur loyer, on ne pouvait pas exiger que Mme Garofalo récupère son habitation. Accompagné d'un collectif, j'ai rencontré les locataires. Nous avons signé un protocole avec l'un des locataires pour organiser son départ ; le second, qui s'appelle Axel et avec lequel je suis toujours en contact, était un peu paumé ; il n'avait plus de permis de conduire ni de travail et avait perdu son père. Nous avons loué un camion pour débarrasser ses affaires – aujourd'hui, il a une entreprise à Lille. Voilà chers collègues comment on peut faire société : sans procédure onéreuse, sans passer par le tribunal ni les services de police.
À la suite de cette affaire, j'ai reçu de nombreux courriels. Vous devez vous souvenir de Roland, un papy de Toulouse qui voulait rejoindre sa femme placée dans un Ehpad à Balma et qui ne pouvait pas vendre sa maison parce qu'elle était squattée. Par Telegram, nous avons pu résoudre le problème avec ces jeunes : en quelques jours, ils ont compris qu'il valait mieux investir d'autres lieux ; Roland a pu vendre sa maison et rejoindre sa femme.
J'ai pris conscience qu'il manquait un maillon dans notre société et j'ai pris rendez-vous avec le Premier ministre – sauf qu'en face de moi, j'avais plutôt Jean Castex, ancien maire de Prades, qui m'a raconté qu'il avait depuis longtemps créé un service de médiation chargé de gérer les réunions publiques, les problèmes de voisinage, les relations avec les citoyens.
Ma première idée était d'instituer des négociateurs de proximité, jusqu'à ce que France Médiation – l'institution qui fait de la médiation depuis vingt ans – m'explique que la négociation, ce n'est pas à la médiation. Nous avons décidé de faire ensemble un tour de France – Saint-Denis, Strasbourg, Orléans, Rennes, Dijon, Lyon, Saint-Étienne, Angoulême, Bordeaux, Miramas, Marseille, Vitrolles, Lunel et Montpellier. Nous avons rencontré plus de deux cents personnes – acteurs de la médiation, gendarmerie, police municipale, police nationale, bailleurs sociaux, sociétés de transport, France urbaine, Forum français pour la sécurité urbaine, Départements de France, Association des maires de France, ainsi que des partenaires comme La Poste, qui n'investit pas moins de 10 millions d'euros par an, et EDF.
J'en suis convaincu, pour élaborer des lois, il faut partir du terrain. J'ai donc décidé d'adresser un questionnaire aux maires de France. J'ai reçu 60 % de réponses – contre 10 à 15 % habituellement pour un tel exercice. Ils étaient nombreux à ne pas comprendre qui fait quoi entre le médiateur, le travailleur social, l'assistant social ou la prévention spécialisée.
Pourquoi devrions-nous reconnaître les métiers de la médiation ? Parce que les 12 000 médiatrices et médiateurs de notre pays sont en première ligne pour gérer les conflits de voisinage, ceux liés au permis de construire ou aux jeunes qui traînent au bas des immeubles. J'ai encore en tête Jacky Lemoine, maire de Divion, se demandant comment il ferait s'il n'avait pas « son petit Yassine », médiateur, qui gère la Maison des projets avec les habitants !
Aujourd'hui, le secteur de la médiation sociale a commencé à se professionnaliser mais il reste encore trop de médiateurs peu ou pas formés, et surtout embauchés en contrat précaire. Certains jeunes rencontrés au cours de ma mission n'avaient aucune compétence, mais l'envie de bien faire. Ils sont payés au Smic, le monde associatif doit chaque année remplir de la paperasse pour obtenir un éventuel prolongement des contrats. J'aurai des propositions concrètes sur ces points.
Rappelez-vous le covid, ou les émeutes : les médiateurs étaient sur le terrain ! J'ai souvenir d'une médiatrice à Lyon qui, à une heure du matin, était capable d'aller dans les immeubles pour discuter avec les jeunes ou accompagner une femme victime de violences intrafamiliales jusqu'au commissariat. Le médiateur est un repère, un référent physique dans une période où le virtuel prend souvent le pas sur l'humain. Sa posture bienveillante et sa capacité d'écoute le placent en position de premier recours.
Remettre de l'humain dans nos territoires, voilà l'objet de cette proposition de loi. Je vous en résume le contenu. L'article 1er crée un statut du médiateur social et assortit l'exercice de l'activité de garanties. Il pose également les premiers jalons d'une coordination des interventions de médiation de l'État, des collectivités territoriales et des opérateurs de médiation sociale. Il consacre enfin l'existence de référentiels de compétences, de formation et de bonnes pratiques. L'article 2 ajoute la médiation sociale à la liste des actions sociales que le département peut mener dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il n'impose aucune compétence obligatoire mais offre aux départements une possibilité supplémentaire d'intervention. Enfin, l'article 3 recentre les missions des adultes-relais sur la seule médiation sociale pour faire de ce dispositif d'insertion professionnelle un vrai tremplin.
Je veux remercier ceux d'entre vous qui ont cosigné cette proposition de loi transpartisane – vous êtes plus de deux cent cinquante. Son adoption permettrait d'envoyer un signal fort aux 12 000 médiateurs de France. Je vous remercie aussi pour vos amendements, sachant que ceux qui vont dans le sens du rapport recueilleront un avis favorable.