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Intervention de Gabor Arany

Réunion du jeudi 18 janvier 2024 à 9h30
Mission d'information de la conférence des présidents sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles

Gabor Arany, sous-directeur adjoint de la planification de sécurité nationale au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) :

La pluralité des acteurs fait la richesse de notre modèle de sécurité et de protection civiles, qui est à la fois très centralisé et très décentralisé. Il s'agit d'une force et d'une richesse, qui apparaît notamment lors de nos échanges avec nos partenaires étrangers, parmi lesquels notre modèle est plébiscité pour son efficacité.

Les sapeurs-pompiers français jouissent d'une excellente réputation. Les multiples projections de renforts français à l'étranger, dans le cadre du Mécanisme européen de protection civile (MEPC) et du Centre de coordination de la réaction d'urgence (ERCC) ou dans un cadre bilatéral, contribuent à l'entretenir.

Le modèle français de sécurité et de protection civiles permet de réagir efficacement aux risques identifiés à l'échelon national en garantissant l'économie des moyens. Nous avons environ 250 000 sapeurs-pompiers, dont 200 000 volontaires. C'est une force. Le passage d'une organisation communale à une organisation départementale à la fin des années 1990 a accru leur professionnalisation et leur spécialisation. La possibilité de faire appel à des renforts à l'échelon interdépartemental démontre notre capacité à mutualiser les efforts et à être efficaces.

Le nombre élevé d'associations agréées de sécurité civile démontre le fort engagement de nos compatriotes à œuvrer au bénéfice d'une cause. Les formations militaires de la sécurité civile (ForMiSC) sont une force d'intervention à la main de la DGSCGC, capable d'intervenir dans tout le spectre des missions, en métropole et outre-mer ainsi qu'à l'étranger. Elles ont par exemple œuvré, dans le cadre du MEPC, à la lutte contre les feux de forêt en Gironde en 2022 – feux au lendemain desquels le Président de la République a annoncé la création d'une quatrième unité d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC), qui verra le jour en décembre 2024 à Libourne.

Nous constatons qu'il existe une forte aspiration, dans une large part de la population, notamment au sein de la jeunesse, à servir et à se rendre utile en cas de crise. Nous constatons aussi que les populations ont des réactions spontanées de solidarité, dernièrement encore lors des mégafeux de forêt de l'été. Cette forte volonté de mobilisation irrigue les réserves communales et intercommunales, qui sont respectivement au nombre de 379 et de neuf, ainsi que les 230 comités communaux feux de forêt (CCFF).

Tout cela doit être renforcé. La difficulté à constituer ces réserves d'échelon local tient à des raisons statutaires. Organiser une délibération pour en établir le règlement n'est pas chose aisée pour les collectivités locales de petite taille. S'agissant de la rémunération des réservistes, aucun texte ne prévoit leur juste indemnisation. Quant à leur encadrement, les agents de la fonction publique territoriale n'y sont pas toujours formés.

Parmi les bonnes pratiques dont nous avons eu connaissance, je citerai la formation et l'encadrement de ses volontaires par la mairie d'Alfortville, assurés par la BSPP et la Croix-Rouge française. Elle mériterait de figurer dans votre rapport d'information. Certes, les effets de concurrence et d'éviction sont toujours possibles. Il arrive par exemple qu'un sapeur-pompier soit membre d'une association agréée de sécurité civile.

Il serait opportun de se doter d'un observatoire des réserves et des dispositifs de volontariat et d'engagement citoyen pour y voir clair, les structurer et en améliorer la lisibilité. L'examen du projet de loi relatif à la résilience, qui transposera la directive REC, la directive révisant la directive relative à la sécurité des réseaux et des systèmes d'information, dite directive SRI2, et le règlement sur la résilience opérationnelle numérique (dit DORA), en offrira l'occasion. Il s'agit de compléter la transposition de ces textes par une disposition améliorant l'organisation de la mobilisation civile et de l'engagement citoyen.

Ces réflexions ont été approfondies en mars dernier, à l'issue de la phase 2 de l'exercice interarmées ORION. La commission interministérielle de défense et de sécurité a été réactivée pour renforcer le dialogue civilo-militaire et améliorer la structuration des réserves. Un groupe de travail dédié a été créé en septembre 2023. Il travaille conjointement avec le secrétaire général de la Garde nationale et avec les responsables du SNU. Ce travail de réflexion permet d'identifier les dispositifs les plus prometteurs, tels que le volontariat du service civique (VSC).

Pour améliorer la mise en œuvre de dispositifs d'engagement citoyen mais aussi de dispositifs réglementaires, il serait judicieux, en deçà de la mise en œuvre de l'état d'urgence ou de mesures législatives ou réglementaires hors-norme, de renforcer les niveaux de posture de vigilance et leur adaptation aux niveaux de crise. Il s'agit, sur le modèle de Vigipirate, d'adapter la mobilisation à la nature des crises.

Concrètement, les préfets de zone de défense pourraient disposer à l'échelle zonale, grâce à l'Observatoire précité, d'une cartographie des compétences clés susceptibles d'être mobilisées en cas de crise. Il ne s'agit pas d'établir un fichier nominatif, mais d'identifier et de canaliser les bonnes volontés dans l'éventualité d'une crise.

De nombreux scénarios de crise de rupture, incluant notamment une pandémie, une mise à l'épreuve de notre système énergétique ou une vague de froid, exigent a minima un tel travail de planification de l'engagement des dispositifs de réserve et de volontariat, ainsi que de la mobilisation des services de l'État, des collectivités territoriales et des entreprises, lesquelles sont aussi susceptibles d'accompagner l'effort.

Le SGDSN mène une réflexion approfondie sur les stocks stratégiques, qui ne se réduisent pas aux stocks de produits sanitaires, comme l'a récemment rappelé le Président de la République. Dans bien des cas, nous dépendons de pays compétiteurs. Nous travaillons donc à relocaliser certaines compétences et certaines industries essentielles. Il faut notamment imaginer à nouveau une politique de stockage maîtrisée.

Certes, tout stock a un coût, mais, après tant d'années passées à considérer que la « mondialisation heureuse » nous permettait de fonctionner sans aucun stock et en flux tendus, et que la diversification des filières d'approvisionnement nous permettrait de satisfaire tous nos besoins, nous prenons conscience qu'il faut au contraire créer ce que nous appelons de l'épaisseur stratégique. Il faut, pour encaisser les chocs et faire preuve de résilience, disposer de matières premières et d'une base industrielle permettant de réagir rapidement.

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