Intervention de Romain Daubié

Réunion du mercredi 24 janvier 2024 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRomain Daubié, rapporteur :

Je n'ai pas la prétention de penser que cette proposition de loi va résoudre à elle seule la grave crise du logement que nous traversons, mais je suis convaincu qu'une crise protéiforme appelle des solutions plurielles, et j'en propose une.

On a longtemps estimé que la transformation de bureaux en logements était une opération trop complexe. Mais, avec la forte hausse de la demande en logements et la vacance de nombreux bureaux, du fait notamment du développement du télétravail, nous sommes à un moment charnière, où il importe de favoriser cette transformation.

C'est aussi une nécessité écologique. Le secteur résidentiel représente 17 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) ; reconvertir des bureaux en logements sans passer par des opérations de démolition-reconstruction, fortement émettrices de GES et générant des quantités de déchets importantes, relève du simple bon sens. Cette reconversion permet, en outre, de lutter contre l'étalement urbain, donc de consommer moins de terrains agricoles ou naturels, ce qui participe des objectifs « zéro artificialisation nette » (ZAN).

Des mesures ont déjà été prises pour faciliter cette reconversion, notamment dans la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) : je pense au bonus de constructibilité de 30 %, à l'autorisation d'occupation temporaire de locaux de bureaux vides à des fins d'habitation ou encore à la création de la notion d'immeuble de moyenne et grande hauteur (IMH), dont l'objectif était notamment de rapprocher les normes de protection contre les risques d'incendie applicables aux immeubles de bureaux et de logements.

Nous devons aller encore plus loin et c'est tout l'objet de cette proposition de loi, qui repose sur quelques principes simples. Premièrement, cette transformation doit être pilotée au plus près des territoires, par le bloc communal. Nous croyons à la liberté locale et pensons que c'est aux élus et aux acteurs de terrain de trouver des solutions pertinentes pour leur territoire. Deuxièmement, les dispositions de ce texte doivent s'appliquer partout, et pas seulement dans les métropoles : je vous proposerai un amendement en ce sens à l'article 1er. Troisièmement, cela ne doit représenter aucun coût supplémentaire pour l'État. Enfin, et c'est le point le plus important, les mesures proposées ne procèdent pas d'une réflexion théorique et hors-sol ; elles s'appuient directement sur mon expérience de maire et ont été nourries par mes échanges avec les acteurs du logement. Certaines d'entre elles sont inspirées d'un rapport du Conseil supérieur du notariat.

Je tiens à remercier l'ensemble des acteurs auditionnés, avec qui nous avons eu des échanges fructueux : les associations représentatives des élus – l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), l'Association des maires ruraux de France (AMRF) et Départements de France – qui ont montré un réel intérêt pour les nouvelles possibilités qu'offre ce texte ; l'ensemble des acteurs privés du logement – architectes, promoteurs immobiliers, notaires, organisations représentatives des propriétaires et des professionnels de l'immobilier ; enfin, tous les acteurs publics, en particulier le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous).

Je vais à présent détailler les dispositifs du texte, qui permettent d'agir à la fois sur les freins administratifs et réglementaires, et sur le droit de la copropriété.

L'article 1er donne davantage de souplesse aux élus locaux. Le règlement des plans locaux d'urbanisme (PLU) et des plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) comporte souvent un zonage qui empêche la transformation de bureaux en logements. Ce zonage est souvent justifié : une zone entièrement commerciale, située en périphérie et mal desservie par les transports, n'est pas adaptée pour accueillir de nouveaux habitants. Mais il arrive aussi que ce zonage ne soit plus adapté aux transformations de l'environnement urbain et qu'il bloque des projets engagés par le maire pour transformer certains quartiers.

Modifier un PLU est long, complexe et coûteux. L'article 1er, dans la nouvelle version que je vous soumettrai par voie d'amendement, donne la responsabilité au maire ou au président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en matière de PLU de faire savoir dans un délai de trois mois, pour chaque projet qui lui sera soumis, s'il autorise ou non la transformation de bureaux en logements. L'amendement de rédaction globale que je défendrai a le mérite d'améliorer le dispositif initial, tout en préservant son esprit, qui consiste à faire confiance aux élus locaux. Les élus pourront s'opposer à ces projets par délibération et le dispositif s'appliquera finalement dans tout le territoire, et pas seulement dans les zones tendues – ce point avait fait débat.

L'AMRF a souligné l'intérêt qu'il y aurait à étendre ces dérogations à d'anciens équipements publics – gares, écoles, bureaux de poste – et je ne peux qu'y souscrire. En revanche, nous n'avons pas souhaité étendre cette disposition aux locaux commerciaux, pour des raisons techniques – le problème des vitrines – mais aussi d'aménagement du territoire, car il importe de maintenir des commerces et des services dans nos centres-villes et de ne pas les dévitaliser.

Les articles 2 et 3 partent du constat que les élus ne sont pas incités à autoriser la transformation de bureaux en logements, parce qu'en cas de transformation du bâti sans démolition-reconstruction, les collectivités territoriales ne bénéficient pas de la taxe d'aménagement. Or cette prime à la démolition-reconstruction est une aberration d'un point de vue écologique. Ces deux articles donnent donc la possibilité aux collectivités locales – j'insiste sur le fait que ce n'est pas une obligation – d'assujettir les opérations de transformation de bureaux en logements à la taxe d'aménagement. Les recettes supplémentaires générées par cette taxe permettront de financer des services publics et de mieux accueillir les nouveaux habitants. Je présenterai deux amendements de rédaction globale pour consolider le dispositif, en tenant compte des échanges que j'ai eus avec la direction de la législation fiscale (DLF).

L'article 4 est ambitieux, car les architectes sont désormais en mesure de construire des bâtiments réversibles, dont la destination pourra évoluer en fonction des besoins. Certaines expérimentations sont déjà en cours – je pense au permis d'innover de la loi ELAN et au permis à double état introduit dans la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques –, mais il faut aller plus loin, en créant le permis à destinations multiples.

L'article 5, relatif au logement étudiant, autorise les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) à recourir aux marchés de conception-réalisation pour la construction et la rénovation de leurs résidences étudiantes. Je rappelle que 1,5 million d'étudiants sont mal logés ; cette disposition permettra de gagner beaucoup de temps.

Les articles 6 et 7, enfin, visent à faciliter la transformation des locaux professionnels et des bureaux en logements au sein des copropriétés. Aujourd'hui, un seul copropriétaire peut bloquer une telle transformation lorsque le changement d'usage d'une partie privative contrevient à la destination de l'immeuble : il convient donc de revenir sur cette règle de l'unanimité. Nos auditions m'ont convaincu que la meilleure solution consiste à retenir la majorité simple des présents, dite majorité de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, qui garantit le droit de copropriété, tout en anticipant de possibles conflits d'usages.

Je me réjouis que la quasi-totalité des groupes aient déposé des amendements constructifs sur cette proposition de loi transpartisane, qui nous concerne tous. Grâce à des mesures de simplification alliant efficacité économique et préservation de l'environnement, elle va nous aider à lutter contre la crise du logement. Elle va aussi contribuer à redynamiser nos centres-villes et nos centres-bourgs, en transformant des espaces vacants en logements abordables.

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