Intervention de Sandra Regol

Réunion du mercredi 24 janvier 2024 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandra Regol, rapporteure :

Il existe de nombreuses controverses entre les quelque 9 000 scientifiques qui contribuent aux travaux de l'UICN. L'UICN France soutient fermement le texte, dans sa version initiale, qui concerne les espèces figurant aux annexes A, B et C du règlement européen. Comme je l'ai dit, je retirerai, par voie d'amendement, l'annexe C du champ du texte. La position de l'UICN France s'explique par le fait que la loi ne concernera que l'importation de trophées de chasse en France, ce qui n'aura pas d'effet global. Le comité d'études scientifiques de l'UICN était divisé. Une étude de 2016, qui a été mise en valeur par WWF, a montré l'impact positif de la chasse aux trophées. D'autres études mettent en avant, au contraire, un effet négatif. Il leur a fallu trancher.

J'ai essayé de me départir de toute réaction émotionnelle et de me fonder exclusivement sur les données scientifiques. Les animaux figurant à l'annexe B ne sont pas en danger critique d'extinction mais leur survie est menacée. Ils sont en bonne santé sur certains territoires alors qu'ils ont quasiment disparu, ou sont en voie de disparition, dans d'autres régions. C'est cette moyenne qui est prise en compte par l'UICN. Cela concerne, par exemple, le rhinocéros blanc, dont la chasse est facturée 300 000 euros, la girafe ou encore le lion d'Afrique – le lion d'Asie étant, lui, à l'annexe A. En 2019, une étude de la revue Science a montré qu'il fallait dix ans, à partir du moment où l'on constate qu'une espèce est en danger, pour l'inscrire sur les listes de l'UICN. Cela signifie qu'au moment où elle est classée à l'annexe B, elle est déjà en danger critique d'extinction.

Le texte rend possible le contrôle des flux et va ainsi dans le même sens que le sous-amendement que nous avions adopté, à mon initiative, sur le projet de loi relatif à la douane. Le seul moyen d'instaurer ce contrôle est d'établir une interdiction, comme nous l'ont indiqué les associations, l'UICN, le Museum national d'histoire naturelle (MNHN) et quelques personnes travaillant pour la Cites. Si l'on n'applique pas strictement l'interdiction déjà existante, on n'arrivera à rien. Par ailleurs, il serait inutile de ne viser que l'annexe A. L'annexe B est le dernier stade auquel on peut intervenir avant qu'il ne soit trop tard. Si nous ne faisions rien, la France se rendrait responsable de l'extinction totale d'espèces. Le choix nous appartient.

À l'échelle du continent africain, on compte 15 000 à 18 000 emplois liés à ces chasses, qui procurent un revenu inférieur au salaire moyen. En revanche, les personnes qui travaillent dans le commerce durable, qui effectuent des safaris-photos, qui accueillent les touristes venus découvrir des lieux sauvages, gagnent, elles, plutôt bien leur vie. L'un des premiers pays exportateurs de trophées de chasse est l'Afrique du Sud. Il y a quelques années, 56 % de sa population pensait que mettre fin à cette activité augmenterait l'attractivité économique et touristique. En 2023, 68 % des Sud-Africains pensent que cette pratique met en danger l'économie locale et leur qualité de vie, et souhaitent qu'on la remplace par des activités plus durables.

Le Museum nous a expliqué qu'il ne fait plus appel depuis très longtemps à des dépouilles venant d'autres pays. Celles qu'il utilise viennent généralement de zoos. Le MNHN bénéficie également d'une dérogation établie en 1991 au profit de la recherche et des musées. Le texte ne concernera donc pas ces institutions.

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