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Intervention de Sandra Regol

Réunion du mercredi 24 janvier 2024 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandra Regol, rapporteure :

Cette proposition de loi a pour seule ambition de mettre en cohérence notre droit, entre l'adoption, en juin dernier, d'une disposition dans le code des douanes et les engagements de la France en matière de biodiversité et de protection des espèces. Sa technicité a permis un travail transpartisan ; et l'adoption à l'unanimité moins une voix dans l'hémicycle de mon sous-amendement précisant le code des douanes en matière de protection des espèces protégées a facilité les discussions. Je remercie les députés de tous les groupes d'avoir bien voulu discuter avec nous, en particulier M. Pierre Cazeneuve, avec qui nous avons passé beaucoup de temps pour parvenir à une proposition efficace qui rassure tout le monde.

Ce texte ne porte pas sur la chasse : il traite uniquement de l'importation et de l'exportation de dépouilles entières, ou par morceaux, d'espèces protégées. Un cadre législatif existe en Europe et en France, où il est d'ailleurs mieux-disant. Néanmoins, des failles juridiques béantes permettent à ce commerce de continuer à prospérer. Il suffit de voir les chiffres de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (Cites) : la France, par exemple, est championne de l'import de guépards ou de lynx d'Eurasie. La proposition de loi vise à corriger ces failles. M. Gabriel Attal, qui était alors ministre délégué aux comptes publics, nous avait apporté son soutien, en rappelant qu'il était impératif de corriger aussi le code de l'environnement.

L'enjeu est de réussir à définir ce que sont les espèces menacées. Certaines, dont il reste à peine quelques exemplaires, sont déjà dans un état critique d'extinction ; la survie d'autres est fragilisée et elles risquent de se retrouver demain également en voie d'extinction. Une définition existe dans les annexes I – pour les situations les plus critiques –, II et III de la Cites, traduites au niveau européen par les annexes A, B et C du règlement du Conseil du 9 décembre 1996. Nous avons fait le choix de ne pas nous appuyer sur des listes d'espèces, celles qui « touchent au cœur », qui nous font mettre plus de morale que de science dans nos choix de protection, parce qu'elles sont plus « mignonnes » ou que l'on en parle plus. Nous avons fait le choix de nous appuyer sur des données scientifiques, de sorte que le futur législateur ne soit pas limité par une liste.

Nous avons auditionné des scientifiques de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui nous ont apporté leur soutien sur la version initiale du texte, de sorte que la France ne soit plus responsable de l'importation et de l'exportation de dépouilles d'espèces en danger ou en situation critique d'extinction. Il nous importe que la France ne puisse plus être désignée comme responsable, parce que nous avons une haute vision de notre pays et de ce que son image véhicule dans le monde. C'est important aussi parce que, l'an dernier, un Français a tué un addax. Peut-être ne savez-vous pas ce que c'est – une sorte d'antilope –, et cela n'aurait rien d'étonnant, puisqu'il en reste à peine quelques dizaines de spécimens en liberté dans le monde. Pourtant, l'an dernier, la Cites a émis un permis pour importer ce trophée. C'est de cela que la France est responsable en n'agissant pas. Nous n'agirons pas contre la chasse dans les pays concernés – nous n'en aurions pas le droit – ni contre la chasse. Mais nous n'avons pas les mêmes raisonnements quand il s'agit de notre pays, puisque nous considérons qu'il ne faut pas chasser une espèce en danger. Pourquoi en serait-il autrement hors de notre territoire ?

Certains m'ont opposé qu'il fallait préserver les revenus de pays en voie de développement. Cependant, les études menées sur les personnes travaillant dans l'industrie des trophées de chasse montrent l'inverse : à l'échelle du continent africain, 15 000 à 18 000 personnes sont concernées et leurs revenus seraient inférieurs au revenu moyen de leur pays. Ce n'est donc ni une activité qui permet de faire vivre le pays, ni une activité offrant un minimum vital aux travailleurs.

On m'a aussi rétorqué que cette façon de faire donnait une valeur aux espèces menacées, qui les protégeait des prédations locales. En réalité, la seule valeur est celle de la spéculation : plus une espèce est sur le point de disparaître, plus son prix pour une chasse aux trophées est élevé. Le système est vicié : plus l'espèce est en danger, plus elle vaut cher. La chasse d'espèces moyennement en danger coûte plusieurs milliers d'euros, mais si vous voulez chasser un rhinocéros blanc, répertorié à l'annexe B, il vous en coûtera au minimum 300 000 euros par chasseur. Nous parlons d'une spéculation folle sur la disparition totale de certaines espèces.

Nous ne pouvons et nous ne devons pas agir sur la législation des pays concernés : c'est leur décision. Mais nous pouvons agir sur ce que font les Français, ici et ailleurs. Le texte inscrit la chasse aux trophées dans le droit pour nous permettre de légiférer dessus. Nous vous proposons aussi de définir un cadre issu des négociations menées avec les uns et les autres. Nous rappelons enfin que la publicité est un moyen de valoriser ces pratiques – je parle aussi bien des sollicitations sur les réseaux sociaux pour aller chasser un rhinocéros blanc ou un hippopotame nain que des influenceurs et influenceuses qui aiment à poser avec ces animaux en voie de disparition. Peut-être serait-il bien de faire de la prévention.

En conclusion, la proposition de loi ne va rien changer pour la majorité des Françaises et des Français. Elle va peut-être changer un petit peu la façon qu'a une centaine de personnes de vivre ses loisirs. Mais elle va changer beaucoup pour les espèces en train de disparaître. C'est pour cela que je vous invite à voter les amendements de compromis et de réécriture que je vous propose, qui incluent les espèces relevant de l'annexe B du règlement européen et qui, après bien des compromis, comme le veut le jeu parlementaire, excluent celles relevant de son annexe C, pourtant très importante. Nous nous sommes concentrés sur les espèces les plus en danger, ce qui est le strict minimum.

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