Mes observations concernent surtout les périodes électorales. Une des méthodes employées est relative aux horaires de diffusion. On a vu la diffusion de zappings politiques entre trois et quatre heures du matin, à des fins de rééquilibrage des temps de parole ! Hors période électorale, l'Arcom ne dispose pas des outils nécessaires pour identifier rapidement de tels agissements. En période électorale, elle est plus vigilante : au moment des élections présidentielles, les responsables du département en charge du respect du pluralisme réalisent huit échantillonnages par jour, afin de vérifier les données transmises par les chaînes.
Au cours des quinze derniers jours de mon enquête sur « Touche pas à mon poste ! » sur C8, je me suis attachée à élargir mes observations, au-delà des deux heures que durait l'émission, à l'ensemble des contenus diffusés de dix-huit heures à minuit. Je souhaitais en effet comprendre comment je pouvais percevoir de forts déséquilibres alors que les informations transmises à l'Arcom montaient un respect strict de l'égalité des temps d'antenne. De fait, il y a un fort décalage entre les deux. Durant la période de stricte égalité, la diffusion d'un zapping politique juste avant minuit permettait à la chaîne de rééquilibrer les temps de parole de candidats qui avaient été exclus de la tranche horaire où les audiences sont les plus fortes. Les membres de l'Arcom à qui j'ai fait part de cette observation étaient bien ennuyés de ne pas s'en être rendu compte eux-mêmes !
C'est de ce constat qu'est issue ma première recommandation, qui n'a aucunement pour but de rendre les choses encore plus compliquées pour les éditeurs. Certains d'ailleurs, comme les stations de Radio France, non seulement se donnent beaucoup de mal pour respecter les critères de pluralisme mais vont parfois au-delà de ce qui leur est demandé, en opérant par exemple des rééquilibrages au sein de sous-créneaux correspondant aux émissions des différents producteurs, afin de ne pas désavantager certains d'entre eux.
Autre méthode : le media Les Jours a récemment révélé que, hors période électorale, les interventions de l'une des chroniqueuses de « Touche pas à mon poste ! », rémunérée en tant que telle par l'éditeur, étaient créditées en temps de parole d'un parti politique sans même que les responsables de ce parti ne le sachent. Ce type de méthode, plus discrète qu'un zapping politique programmé en pleine nuit, permet de rééquilibrer les temps face à d'autres sensibilités politiques.
Les leviers sont donc nombreux et c'est à dessein que j'utilise le terme d'insincérité au sujet de certains éditeurs, qui cherchent, de façon systématique et pernicieuse, à contourner des règles que personne ne maîtrise et que nous-mêmes, chercheurs, avons parfois du mal à comprendre.