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Intervention de Thibaut Bruttin

Réunion du mercredi 20 décembre 2023 à 15h00
Commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre

Thibaut Bruttin, adjoint au directeur général de Reporters sans frontières :

Je souhaite répondre à votre deuxième question sur le pluralisme des intervenants. Le dogme de l'objectivité comporte des limites et personne de sérieux ne croit véritablement à la possibilité d'éviter tous les biais. C'est pour cela qu'il est important d'être à la fois transparent et de faire montre de pluralisme pour restaurer la confiance dans les médias.

La loi de 1986 prévoit la prise en compte des interventions des personnalités politiques, mais sa définition est trop absconse, d'autant plus que les moyens de contrôle dont dispose l'Arcom pour connaître les affiliations politiques demeurent inconnus. Un seul exemple est assez célèbre, celui de la catégorisation d'Éric Zemmour comme personnalité politique, qui est intervenue à un moment où il était effectivement indiscutable qu'il se positionnait comme acteur du débat politique national. Mais l'on frémit à la vue de la fragilité de la base juridique retenue par l'Arcom en l'espèce.

De toute évidence, la problématique est claire. Les lignes éditoriales des journaux étant connues, on sait à quoi s'attendre lorsqu'un éditorialiste de tel journal ou tel magazine est invité sur un plateau de télévision. Les intervenants sur les plateaux de télévision sont choisis en fonction de ce qu'ils vont dire. Il ne faut donc pas faire preuve de pudeur ni de faux-semblants. De ce point de vue, il existe des méthodologies intéressantes, qui ont notamment été proposées dans les travaux de Julia Cagé et Nicolas Hervé. Ces derniers proposent ainsi de compléter la liste des personnalités politiques identifiées, c'est-à-dire les élus et les porte-parole, en y intégrant l'ensemble des contributeurs des think tanks qui sont politiquement marqués pour la plupart en France, les participants des universités d'été de différents mouvements politiques, et la liste de signataires de tribunes en faveur de tel ou tel candidat. Une telle méthodologie permettrait ainsi d'étoffer la compréhension du « qui est qui » sur les plateaux de télévision.

L'hypothèse d'un système déclaratif, probablement plus léger, peut-être plus pertinente et mérite d'être étudiée. Enfin, le plus important porte peut-être plus sur la conversation sur les plateaux de télévision, en tant que telle. À cet égard, les analyses sémiologiques ou les analyses des contenus sont particulièrement pertinentes, puisqu'il est possible de dominer le débat public sans même apparaître. Il s'agit là à la fois d'une chance et d'un travers. Nicolas Hervé a ainsi proposé une méthodologie assez intéressante sur le temps de parole des candidats, non pas fondée sur leur apparition ou l'apparition de leur porte-parole, mais sur le nombre de citations dont ils font l'objet. Cette piste peut être creusée, puisque des acteurs sont particulièrement capables de s'introduire dans le débat public à travers des porte-parole qui ne sont pas forcément des porte-parole identifiés politiquement.

En résumé, il me semble nécessaire d'ouvrir la régulation, le conventionnement, à l'ensemble de ces questions et de ces enjeux. Sur ce sujet, une doctrine solide ne peut être définie en quelques lignes.

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