Je ne prétends pas pouvoir établir une hiérarchie. Cependant, en termes de dynamique politique, la Russie est selon moi très largement devant la Turquie, de la même manière que la Chine l'est en termes d'empreinte économique. En revanche, la Turquie est la seule à pouvoir jouer la carte de l'islam et de la culture, soit un levier à la fois plus subtil et plus pérenne. Des imams turcs viennent effectuer des dons pendant l'Aïd, ce que ne peuvent pas faire des Chinois ou des Russes.
Un autre point de tension existe sur les théâtres. À juste titre il me semble, certains ont pu parler d'une connivence et d'une espèce de « compétition par la coopération » entre Erdoğan et Poutine. La Libye constitue à ce titre un terrain de compétition très fort ou ni l'un ni l'autre ne prend l'avantage d'une manière ou d'une autre. Lorsque cela les arrange, les Turcs adoptent une proximité avec les Russes dans leurs discours ; mais dans d'autres cas, ils mettront en avant le bouclier de l'Otan.
Ensuite, en matière économique, les Turcs se positionnent sur des gammes importantes d'exportations de produits manufacturés, des produits de consommation courante. Avant la crise économique de 2018, l'économie de la Turquie était située au centre des chaînes d'approvisionnement, soit une économie de transformation des produits grâce à une base industrielle très importante, avant de les exporter en Europe. Désormais, la Turquie veut plus produire et exporter de produits, y compris des produits à faible valeur ajoutée. Dans ce cadre, il est plus simple de les exporter en Afrique qu'en Europe, puisque la compétition n'est pas la même. Aujourd'hui, Arçelik, fabricant d'appareils électroménagers, exporte massivement ses produits.