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Intervention de Anne-Claire Legendre

Réunion du mercredi 22 novembre 2023 à 12h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Anne-Claire Legendre, porte-parole, directrice de la communication et de la presse au ministère de l'Europe et des affaires étrangères :

Merci beaucoup pour ces questions.

Monsieur Chenevard, vous évoquiez tout à fait justement les tentatives de la Chine et de la Russie pour étendre leurs influences. Il faut en effet revenir sur le cas de la Chine, qui a beaucoup gagné ces dernières années en termes d'influence et d'image positive sur le continent africain. Je pense toutefois que nous arrivons à un tournant aujourd'hui. Le poids de la dette est extrêmement visible pour nos partenaires africains. Par ailleurs, la France agit pour tenter de les soulager de cette question de la créance qui pèse extrêmement lourd. Tel a été l'objet du nouveau pacte financier de juillet, qui nous a d'ailleurs permis, pour un certain nombre d'entre eux, de lever la créance chinoise. C'est un travail que nous conduisons avec la Chine et que va d'ailleurs poursuivre Madame Colonna dans son déplacement cette semaine.

Vous évoquiez plus précisément la question des médias, qu'il s'agirait de développer pour pouvoir contrer ces tentatives d'un certain nombre de compétiteurs. Une feuille de route médias et développement a été adoptée par la ministre deux mois plus tôt à la conférence des ambassadeurs. Elle permet de renforcer l'action de la France en soutien aux médias indépendants à travers le monde. L'idée est de soutenir le droit de tous les individus à travers le monde, et particulièrement en Afrique, à avoir accès à une information fiable, ce qui n'est malheureusement plus le cas. Nous travaillons à former des journalistes et à soutenir des médias indépendants sur place. Tel est également le rôle de France Médias Monde, qui possède une branche dédiée à la formation des journalistes, CFI, pour laquelle nous avons accru très nettement nos financements, afin qu'elle puisse jouer ce rôle de soutien à des médias locaux. La création de médias est envisagée dans le cadre de la Maison des mondes africains, qui est un des projets portés dans le cadre de l'agenda transformationnel annoncé par le Président de la République. Le groupement d'intérêt public devrait être créé dans les mois à venir et a vocation à porter un média et toute une plateforme de contenus digitaux, qui sera précisément non institutionnelle et qui permettra de s'adresser à d'autres types de publics qui pourraient être rebutés a priori par des contenus de nature institutionnelle.

S'agissant du caractère agressif de notre action pour contrer la propagande russe, j'évoquais notre action collaborative avec l'Union européenne au moment du sommet de Saint-Petersbourg où nous avons agi de la sorte. Nous avons démonté, les unes après les autres, les promesses faites par la Russie en 2019 lors du premier sommet avec l'Afrique, pour montrer que Vladimir Poutine pouvait afficher une ambition avec l'Afrique mais que celle-ci se révélait illusoire voire qu'elle constituait dans certains cas une atteinte à la souveraineté. Wagner est la première de ces atteintes puisque cette milice, au-delà des aspects informationnels, et se finance sur des ressources qu'elle pille pour chacun des pays concernés. Nous mettons tous ces éléments en valeur frontalement. Nous le faisons aussi en informant un certain nombre de journalistes et d'acteurs de l'OSINT sur ce que nous percevons de l'action de prédation menée par Wagner et la Russie. Ceux-ci peuvent ensuite réaliser leur travail mener leurs propres investigations sur les actions de prédation.

Vous évoquiez la nécessité de renforcer la coordination entre diplomates et membres des forces armées. Ce travail a été au cœur de notre action depuis deux ans, à travers le Comcyber, l'état-major des armées et la cellule d'influence. Un travail extrêmement étroit a lieu depuis Paris et a vocation à être dupliqué sur le terrain. Nous demandons à nos ambassadeurs de tenir un comité de communication avec la totalité des acteurs de l'équipe France, c'est-à-dire nos opérateurs et les attachés de défense, et de faire en sorte que la France ne parle que d'une seule voix mais de façon démultipliée dans l'ensemble des réseaux.

La présence sécuritaire et militaire est au cœur des actions de désinformation. La désinformation a très vigoureusement ciblé ce qui touchait à la présence militaire de la France en Afrique. Il faut que nous puissions aujourd'hui valoriser la culture, les industries culturelles et créatives et le sport. Notre stratégie vise donc à communiquer moins sur notre présence mais mieux sur le bilan qui a été le nôtre en matière de lutte contre le terrorisme et valoriser davantage tout cet agenda positif transformationnel qui est au cœur de notre action.

Monsieur Jacobelli, vous avez évoqué différentes questions, les outils institutionnels et les moyens détournés. En tant que démocratie, nous n'utilisons pas les moyens de la Russie. Nous n'allons pas tomber dans la désinformation. Nous n'allons pas créer de trolls et de campagne de désinformation. Ce serait à terme faire gagner les compétiteurs, en créant une équivalence entre tous les contenus. Je pense d'ailleurs que ce que recherchent aujourd'hui la Russie et la Chine est d'entraîner une confusion des esprits qui ferait que plus rien ne serait crédible et jugé légitime. Pour désinstitutionnaliser, nous travaillons avec des acteurs tiers, comme les fact checkers. Nous menons une action de soutien au fact checking en Afrique, pour faire croître ces réseaux. Quant aux autres zones de désinformation, nous faisons face à une montée en puissance du phénomène. Les Russes sont en train de tester manières de tester leurs capacités et les modalités de mener des guerres hybrides. L'Afrique est un terrain de jeu. L'Ukraine en est un autre majeur, avec une guerre hybride menée contre la population russe, sous le coup d'une désinformation massive. Nos opinions publiques occidentales sont évidemment visées. Le reste du monde l'est également. À mon sens, la Chine observe ces pratiques très précisément Nous faisons également face à de la désinformation en provenance d'Azerbaïdjan. Nous surveillons tous ces théâtres avec beaucoup d'intérêt. S'agissant des intérêts français, les Jeux olympiques risquent d'être un moment d'exposition massif. Nous nous coordonnerons avec tous les autres appareils de l'État pour y répondre.

Enfin, pour répondre à la dernière question, je suis présente pour aborder la menace informationnelle et n'ai évoqué que cet aspect de notre action en Afrique. Je vous renverrai néanmoins aux propos de la ministre qui est intervenue en séance publique, dans le cadre de l'article 50-1 de la constitution, sur notre politique en Afrique. Les pays que nous citons abondamment aujourd'hui sont le Mali, le Niger et le Burkina Faso, qui ne sont que 3 sur 54. Notre coopération est en croissance sur tout le reste du continent africain. Les étudiants africains viennent massivement en France. Nous restons le premier pays d'accueil des étudiants d'Afrique subsaharienne. Nous avons connu une augmentation de plus de 40 % des demandes de visa pour la France de cette catégorie de demandeurs. Notre pays reste visiblement attractif pour la jeunesse africaine. Tout le travail mené aujourd'hui dans le cadre de l'agenda transformationnel vise précisément à mettre l'accent sur les attentes de la jeunesse africaine, avec qui des coopérations extrêmement positives doivent être mises en place. Le secteur des industries culturelles et créatives est au cœur de notre agenda, tout comme le sport et de soutien à l'entreprenariat. Notre réseau de coopération reste aujourd'hui le plus important sur le continent. Il a reçu un soutien de moyens de la part de nos autorités puisque dans le cadre du projet de loi de finances, un certain nombre de nouvelles mesures ont été prises pour renforcer notre action en matière de soutien à ces industries créatives et pour confier à nos ambassades des moyens de plus grande agilité sur le terrain. Nous avions été critiqués sur le fait que nous intervenions sur de grands projets d'infrastructures, peu visibles et lisibles car financés par un certain nombre de bailleurs institutionnels. Nous avons aujourd'hui redonné à nos ambassades la capacité de financer de petits projets, visibles de la part des communautés et dont les effets bénéfiques pour les populations locales sont immédiatement lisibles et compréhensibles.

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