Directrice des stratégies et coopérations éditoriales transverses à France Média Monde, j'ai l'honneur de représenter Marie-Christine Saragosse, la PDG du groupe, qui s'excuse de ne pas être présente en raison d'un déplacement en Roumanie.
Pour débuter mon propos, je tiens à rappeler quelques points concernant notre groupe. France Médias Monde regroupe trois médias : RFI, la radio d'actualité mondiale en français et en seize autres langues ; France 24, la chaîne d'information internationale en continu, en français, en anglais, en arabe et en espagnol ; et Monte Carlo Doualiya, la radio française en langue arabe diffusée au Proche et au Moyen-Orient, qui ne concerne pas directement le continent africain, mais qui est une part importante du dispositif de l'audiovisuel extérieur de la France. Nos trois médias ont compté en 2022 près de 260 millions d'auditeurs, téléspectateurs et internautes chaque semaine à travers le monde. L'Afrique est historiquement notre premier bassin d'audience et constitue donc un continent majeur pour nos médias.
Mon propos s'articulera autour de deux grands points. Il s'agit d'une part de l'ancrage historique de nos médias en Afrique, mais qui évolue aujourd'hui dans un contexte de tensions accrues. D'autre part, j'évoquerai la stratégie de proximité que nous développons depuis plusieurs années auprès des publics du continent africain et que nous entendons encore renforcer dans les années à venir.
RFI et France 24 constituent des médias référents pour couvrir l'actualité du continent africain : l'expertise de nos journalistes à Paris, un service dédié à RFI, le service Afrique, des journalistes spécialisés à France 24, mais également une grande présence sur le continent, avec un très important réseau de près d'une centaine de correspondants, des envoyés spéciaux permanents à Abidjan, à Dakar et à Nairobi. Les Afriques, autant l'Afrique de l'Ouest que l'Afrique de l'Est, sont concernées par la présence de ces professionnels de RFI et des rédactions délocalisées.
Nos médias proposent quotidiennement une couverture de l'actualité africaine, tant dans les programmes d'information qu'à travers les émissions référentes, les sessions d'actualité africaine sur RFI, deux journaux dédiés à l'Afrique sur France 24 où nous donnons un écho mondial à tout ce qui fait événement en Afrique, en offrant également une image positive et fédératrice du continent à travers notamment des événements comme la prochaine Coupe d'Afrique des Nations, qui aura lieu au mois de janvier 2024. Un magazine hebdomadaire dédié à la jeunesse, « Alors, on dit quoi ? », traite des sujets qui concernent le quotidien de notre auditoire. Enfin, il est toujours extrêmement impressionnant de mesurer la notoriété des journalistes et des animateurs de RFI et de France 24 lors des déplacements sur le continent.
Par ailleurs, comme le prévoient les missions de France Média Monde, nous donnons un très large écho à l'actualité française dans toute sa diversité, dans toutes ses dimensions. Le lien indéniable avec le continent africain est souligné à travers cette actualité – la saison Africa 2020 avait ainsi été un moment phare de notre couverture – et il nourrit nos programmes, à travers la présence des diasporas et des échanges humains réguliers entre la France et l'Afrique.
En matière de distribution et de diffusion, nous bénéficions d'une présence extrêmement importante sur le continent africain. En radio, RFI dispose du plus grand parc FM avec 115 émetteurs. Elle est également reprise par près de 500 radios partenaires à travers le continent. Ces radios locales reprennent ainsi une grande partie de nos programmes et notamment nos programmes d'information. Nous avons également conservé une diffusion en ondes courtes, qui conservent une grande importance dans cette région du monde et permettent de toucher notamment des populations plus isolées des grandes villes, et singulièrement dans la bande sahélienne.
En télévision, France 24 est diffusée sur le satellite et sur la TNT quand cela est possible dans certains pays et dans les zones urbaines. Au total, 62 millions de foyers sont distribués par France 24 sur le continent africain. Mentionnons également le numérique, nos sites propres RFI, France 24 dans leurs différentes déclinaisons, mais également les différentes plateformes, les réseaux sociaux, la syndication avec des sites panafricains. Depuis le mois d'octobre 2023, nous avons lancé des chaînes WhatsApp, nouveau vecteur de diffusion d'information pour nos médias et nous enregistrons des performances records en la matière.
Nos médias sont très puissants et enregistrent des résultats d'audiences exceptionnelles. La dernière étude Africascope menée par l'Institut Kantar montre que près de 60 % de la population en Afrique francophone suit RFI et/ou France 24 de façon hebdomadaire. RFI est la première radio internationale en Afrique francophone, elle est toujours classée dans le top 5 des radios les plus écoutées quotidiennement dans les sept villes couvertes par cette étude. En outre, France 24 conforte son statut de première chaîne d'information internationale, toutes cibles confondues sur l'Afrique francophone. Elle figure parmi les dix chaînes les plus regardées chaque semaine.
Le contexte évolue sur le continent africain et il est marqué ces dernières années par de grandes tensions. Très concrètement, cela se manifeste par une recrudescence des manipulations de l'information, de la désinformation, des « infox ». À travers ces manipulations de l'information, des tentatives de déstabilisation sont instrumentalisées par certains États.
À ce titre, il nous semble important de noter le lancement de chaînes à destination de l'Afrique par la Turquie qui propose et assume une vision alternative de l'actualité du monde, c'est-à-dire alternative à la vision occidentale. Il faut également relever la présence d'une offre francophone du média russe Russia Today, avec l'installation d'un bureau à Alger, de manière à couvrir l'ensemble du continent africain, et singulièrement l'Afrique francophone. Ces médias nourrissent des « narratifs » anti-français de manière assumée par ceux qui les dirigent. Ces contenus, disséminés sur les réseaux sociaux pénètrent progressivement au sein des opinions publiques et se manifestent ensuite sur le terrain, parfois de façon très violente.
Nous sommes également en première ligne à travers nos médias face aux attaques contre la liberté d'informer. Nos médias ont récemment fait l'objet de coupures, de censures dans trois pays africains, d'abord au Mali et au Burkina Faso l'année dernière, puis au Niger depuis le mois d'août dernier. L'ensemble de nos médias, y compris les diffusions par les radios partenaires de RFI, sont soumis à la censure et ont été coupés. Si nous sommes coupés, c'est d'abord parce que nous sommes puissants, mais aussi parce que nous apportons une information libre et indépendante qui parfois, et même souvent, dérange.
Dans ces circonstances, nous avons conscience que nous sommes coupés parce que nous sommes certes français, mais aussi, plus généralement, parce que nous sommes des médias internationaux. Ces censures sont habituellement les signes d'une très forte dégradation de la liberté de la presse et du droit d'informer dans ces pays, dont font les frais très rapidement et très lourdement les journalistes et les médias locaux du continent. Malgré les coupures, nous réussissons à être quand même suivis. Des stratégies de contournement sont mises en place et nous arrivons à voir à travers nos antennes que des publics continuent, au Mali, à nous suivre, par exemple sur YouTube et à participer à nos émissions interactives.
Nos chaînes WhatsApp ont connu un succès fulgurant, en un temps record. Ainsi, la chaîne WhatsApp consacrée à l'émission « Appel sur l'actualité » de RFI compte près d'un million d'abonnés et la chaîne de France 24 en français en enregistre pour sa part 1,4 million. Ces moyens de contournement reçoivent un public extrêmement nombreux et montrent combien nos médias sont aussi attendus.
Les coupures, néanmoins, nous font perdre près de sept millions de téléspectateurs et auditeurs, uniquement dans les trois pays que sont le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
Il est évident que ces situations de grande tension, voire de confrontation, font courir des risques sécuritaires majeurs à nos équipes. Nos envoyés spéciaux ne peuvent plus aller sur ces terrains et les correspondants qui doivent y rester sont évidemment suivis d'extrêmement près et de façon très régulière par notre dispositif de sécurité. Nous continuons malgré tout à effectuer notre travail d'un journalisme indépendant et libre, qui lutte contre les infox, sans naïveté.
Nous restons attachés à nos valeurs et nous poursuivons notre action à destination des publics africains et nos partenariats avec les professionnels du continent africain. À ce titre, trois de nos rédactions sont localisées sur le continent africain, dont la dernière en date est située à Dakar, pour y produire et diffuser des contenus en langues régionales. Le mandenkan et le fulfulde sont opérés depuis Dakar, l'haoussa et le swahili sont opérés depuis Lagos depuis 2007 et Nairobi depuis 2010. Ces ancrages et ces stratégies visent à favoriser une plus grande proximité avec les auditeurs, à travers le développement de notre politique de production et de diffusion vers le continent africain dans des langues transnationales, de façon à pouvoir servir des publics le plus largement possible. Nous ne voulons pas nous enfermer dans un dialogue qui serait totalement déséquilibré, où nos médias seraient perçus comme émettant depuis de Paris vers des publics qui entendent un message venu de beaucoup trop loin.
Enfin, nous poursuivons notre lutte contre la désinformation et la manipulation de l'information. Nous allons augmenter nos productions dans ce domaine, nous organisons en réseau notre production de lutte contre les infox, le « débunkage », afin que l'ensemble des rédactions de RFI puissent avoir un impact encore plus large dans ce domaine et mettre en valeur le travail de nos équipes. Pour finir, nous conduisons deux projets essentiels et structurants portés par Marie-Christine Saragosse, PDG de France Médias Monde : une offre 100 % numérique panafricaine à destination des jeunes publics africains et un décrochage en télévision pour France 24 qui serait opéré depuis Dakar, où l'offre d'information professionnelle devenue depuis et vers l'Afrique francophone serait encore plus valorisée.