Les relations avec les départements et les territoires d'outre-mer sont quelque chose de plus en plus sensible dans les pays africains, peut-être davantage avec les départements d'outre-mer de l'océan Indien et des Caraïbes qu'avec la Polynésie. Cela fait partie de cette mémoire commune et de cette situation particulière où les afro-descendants, les Polynésiens et les populations de la Réunion ou de Mayotte ont des origines et des histoires très diverses. Il n'y avait pas de peuple autochtone à la Réunion et tout le monde y donc est allogène, ce qui est différent de la situation polynésienne. Cependant, nous avons des solidarités fondamentales et qui sont de plus en plus vivantes.
Il est très important de retrouver des racines historiques. Le président Hollande m'avait fait l'honneur de me demander de préfigurer la fondation nationale pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage, qui a été créée en 2017-2018 et qui est présidée par Jean-Marc Ayrault. Ce sont les mêmes causes et la façon dont l'outre-mer français est géré politiquement par la France a beaucoup d'écho en Afrique. J'imagine que le sentiment de rejet de la France par ces pays du Global South que ce sont les pays africains a aussi un écho parmi les populations des départements des territoires d'outre-mer.
Par ailleurs, les restes humains correspondent à une idée de Jacques Chirac pour contourner l'inaliénabilité dans les collections françaises de ce qui est venu des pays d'Afrique. On a pu distinguer les artefacts des restes humains et je crois que nous allons continuer dans cette voie. De cette manière, Lucy a été rendue à l'Éthiopie. De plus, le président Mitterrand a rendu sous forme de prêt à long terme, parce qu'on ne pouvait pas les aliéner, les manuscrits sacrés de la Corée ; ensuite, Jacques Chirac a fait avancer la situation sur les restes humains. On butait sur cette impossibilité de sortir les éléments des collections françaises, alors que les sorties des collections publiques américaines ou allemandes étaient possibles.
La représentation nationale a voté à l'unanimité sur le Sénégal et le Bénin mais il faudrait une loi ad hoc pour chaque restitution, ce qui n'est pas possible. Par conséquent, il y aura une loi-cadre. Mme Rima Adbul Malak avait même pratiquement terminé le programme qui s'appuie sur un rapport au chef de l'État par M. Felwine Sarr et Mme Bénédicte Savoy. Je crois donc que le travail est réalisé et va bientôt venir devant le Parlement.
La ministre de la culture va projeter cette loi-cadre qui permettrait d'avoir une solution générique. J'en attends beaucoup parce que je crois que l'immatériel est très important dans la relation franco-africaine, de même qu'avec les territoires et départements d'outre-mer. M. Kasarhérou est un extraordinaire président du musée Jacques Chirac et, en tant que membre du conseil d'administration, j'avais proposé qu'on fît une exception pour donner le nom du président Chirac au musée du Quai Branly de son vivant, tradition étant qu'on le fasse post-mortem. M. Kasarhérou est aussi l'homme qui a dressé le grand inventaire de l'art kanak dans toutes les collections du monde et il est le créateur du centre culturel Tjibaou. Il est donc parfaitement à sa place dans ce musée des arts non-occidentaux qui est le deuxième plus grand musée anthropologique du monde. Il s'agit d'un atout considérable de la France et j'espère que la représentation nationale donnera effectivement les moyens législatifs pour continuer dans cette voie. La jeunesse africaine en est reconnaissante et a le sentiment qu'elle y avait droit.