Intervention de Michel Guiniot

Réunion du mercredi 17 janvier 2024 à 10h15
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Guiniot :

En tant qu'ancien premier ministre du Bénin et président de la Société des Amis du musée Branly-Jacques Chirac, vous êtes particulièrement concerné par les enjeux de restitution d'œuvres d'art au profit des pays africains. Je pense que cette thématique fait partie des grands enjeux qui attendent la France pour les années à venir, d'autant plus qu'il apparaît, avec la création du musée d'Art contemporain d'Ouidah par votre fille, que l'art est un sujet qui vous tient à cœur.

Le 9 novembre 2021, après plus d'un siècle de séjour en France, 26 œuvres constituant le butin de guerre du général Dodds et propriété de l'État étaient restituées au Bénin. Cette entorse au principe d'inaliénabilité a été le fruit de plusieurs négociations entre votre pays et le nôtre. Au point de vue national, les rapports Savoy et Martinez, préparés sur demande du président de la République, se contredisent en leur propos, même s'ils préparent tous deux à l'arrivée d'une loi réformant le principe d'inaliénabilité des collections publiques. Les biens dont la France est aujourd'hui propriétaire – j'exclus de mon propos tous les biens détenus hors collections publiques – font également partie de notre histoire. Il ne s'agit pas d'œuvres que nous avons réalisées mais elles n'en restent pas moins inspirantes pour le public français, restaurées dans les meilleures conditions possibles et mises en avant dans le respect des cultures et des peuples d'origine.

Certaines de ces œuvres détenues dans nos musées ont fait l'objet d'une protection particulière de la part de nos services. Des œuvres d'art sont issues de peuples qui ont été annihilés par des conflits locaux et nos musées permettent de faire perdurer leur histoire sans prendre un parti localement polémique. Je noterai enfin qu'il est précisé dans le rapport Martinez que les œuvres restituées ne reviennent pas toujours dans leur lieu d'origine. Qu'en est-il des pays qui ont été créés après la création de l'œuvre ou après leur attribution à l'État français ?

Au-delà de ces considérations, nos fondamentaux légaux sont amenés à être questionnés : toute mutation, qu'elle soit vente ou donation, pourrait être remise en cause. Le principe même du transfert de propriété est donc questionné. On peut considérer comme indéniable que la France possède à ce jour des trésors d'origines étrangères mais pensez-vous que les pays africains pourront admettre que la France a en tout cas permis la préservation et la conservation de ces œuvres jusqu'à ce jour ?

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