Intervention de Hubert Védrine

Réunion du mercredi 13 décembre 2023 à 11h00
Commission des affaires étrangères

Hubert Védrine, ancien secrétaire général de la présidence de la République, ancien ministre des affaires étrangères :

À l'avenir, nous devrons être guidés par la demande des Africains et non de "l'Afrique" en général, terme qui n'a pas plus de signification que l'Europe en général, d'autant que les Africains ne sont pas d'accord entre eux. Selon les sujets, la réponse ne sera pas la même. J'ai cité plusieurs domaines de coopération. Il faut déterminer si nous pouvons répondre aux demandes et qui doit y répondre : les entreprises ou le gouvernement, la France ou l'Europe. Il faut des solutions ad hoc et pragmatiques.

La campagne anti-française actuelle s'inscrit dans une ambiance, une rhétorique, pour ne pas dire un baratin, dont l'essence est d'être tournée contre l'Occident. Elle est menée par des dirigeants qui sont à la tête de pays où les gens rêvent de ne plus vivre sous la coupe des Occidentaux, mais à l'occidentale. Tout le monde veut vivre comme nous. On n'a jamais rien vu de mieux, dans l'histoire de l'humanité, que les sociétés européennes contemporaines. Mille choses sont à réformer ou à corriger mais, historiquement et géographiquement, il n'y a pas mieux. Partout, les populations rêvent de vivre comme nous.

Les régimes qui se contentent de tenir un discours anti-occidental en se liant les mains avec des entités étrangères, russes ou non, n'arriveront à rien. Cela ne résoudra aucun des problèmes de ces malheureuses populations. Il faut garder confiance. Dans l'immédiat, nous ne pouvons pas les empêcher de raconter des sottises. Le monde actuel est une gigantesque bataille d'influence, en attendant qu'émerge un jour une "communauté" internationale. Toutes les puissances emploient de tels procédés. Au Niger, les islamistes ont torpillé le planning familial, et ce depuis plusieurs années.

Il ne faut pas fuir la bataille d'influence. Il faut la mener, calmement et méthodiquement, sans s'épouvanter que l'on ose nous attaquer en diffusant des mensonges monumentaux, dont nous ne comprenons pas que des gens les croient – aux États-Unis, la moitié de la population nourrit des croyances anti-scientifiques ! Il faut traiter la situation avec un sang-froid inébranlable, en attendant qu'elle se retourne, et alimenter notre communication, notamment sur les réseaux sociaux. Il nous arrive d'en faire un peu trop, ce qui donne des arguments à nos adversaires, mais il ne faut pas avoir peur des manœuvres russes, d'autant que la Russie revient non sur le continent en général, mais dans quatre ou cinq pays qui sont au fond du trou.

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