S'inspirant de l'histoire de Marie-Louise Giraud, l'une des dernières femmes guillotinées en France pour avoir été une « faiseuse d'anges », Claude Chabrol avait réalisé en 1988 un film magnifique : Une affaire de femmes. Aujourd'hui, on peut dire que ce n'est pas seulement une affaire de femmes ni même de genre, mais que c'est une affaire de société.
Je crois fermement qu'il est de notre rôle non seulement de législateurs, mais avant tout de citoyens et de citoyennes, de nous prononcer résolument pour la constitutionnalisation de l'IVG. Il y va de notre responsabilité et de notre devoir de protéger la liberté, demain, de nos filles et de nos petites-filles à disposer de leur corps.
Comme Simone Veil, je rappellerai qu'aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement. Sur ce point, rien n'a changé. Jamais aucun jugement ne doit être porté sur les raisons qui la poussent à y recourir.
L'onde de choc provoquée par la décision historique de la Cour suprême américaine bouleverse nos convictions et brise le mouvement que l'on croyait continu de progression du droit des femmes à disposer de leur corps. Nous devons nous interroger sur notre capacité à anticiper de tels revers en Europe et en France. Son inscription dans notre norme suprême lui offrira la protection la plus forte qui soit. Elle rendra autrement plus difficile les velléités de certains de la remettre en cause par la loi.
Vous l'avez souligné, monsieur le garde des sceaux : quand nous inscrivons une liberté dans la Constitution, nous le faisons pour l'avenir. Vous avez raison, monsieur le président du Sénat : la Constitution n'est pas un catalogue de droits sociaux et sociétaux – toutefois, elle définit les droits fondamentaux qu'elle protège, et c'est pourquoi l'IVG y a toute sa place.
Certains n'y voient là qu'un symbole, presque inutile. Eh bien, oui : la constitutionnalisation par la France de la liberté de recourir à l'IVG est aussi un symbole. Ne nous en cachons pas. Bien au contraire, soyons-en fiers. Soyons fiers du message que l'on enverra aux autres pays – et je suis certain qu'il y en aura qui suivront le mouvement.
S'il y a bien un moment pour lui rendre hommage, c'est celui-ci. J'ai ouvert mon propos avec les mots de Simone Veil ; je le terminerai de la même façon. « L'histoire nous montre que les grands débats qui ont divisé un moment les Français apparaissent avec le recul du temps comme une étape nécessaire à la formation d'un nouveau consensus social, qui s'inscrit dans la tradition de tolérance et de mesure de notre pays. »
En mémoire de Simone Veil, en mémoire de nos grands-mères et de nos mères qui ont tant souffert de ne pas avoir ce droit, à qui la liberté de disposer de leur corps a tant manqué, pour garantir demain ce droit à nos filles et à nos petites-filles, écrivons un nouveau chapitre dans l'histoire des droits des femmes : constitutionnalisons le droit à l'IVG.