Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du lundi 22 janvier 2024 à 16h00
Rénovation de l'habitat dégradé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Le présent projet de loi est technique et dense ; il vise, en modifiant plusieurs codes – le code pénal, le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le code de la construction et de l'habitation ainsi que le code de l'urbanisme –, à accélérer et à simplifier la rénovation de l'habitat dégradé. Je vous avoue toutefois être très gênée de commencer l'examen de ce projet de loi alors qu'aucun ministre du logement de plein exercice n'a été nommé.

Depuis trente ans, de nombreuses lois ont été votées. Elles ont institué de nouveaux outils, parfois mal connus, dont le cumul rend l'utilisation de plus en plus complexe. Face à des charges d'investissement importantes, les délais de réhabilitation des immeubles se trouvent allongés, pour atteindre parfois quinze ou vingt ans. Les copropriétaires paupérisés se retrouvent alors dans l'impossibilité de payer leurs charges ou les travaux d'entretien, tandis que la valeur marchande des immeubles qui se dégradent ne cesse de baisser. Quant aux occupants, ils sont dans l'impossibilité financière de se loger ailleurs. Tous les ingrédients sont donc réunis pour créer de l'habitat indigne, qui touche aujourd'hui environ 1 million de personnes en France.

Ne nous leurrons pas : bien que les marchands de sommeil aient intérêt à la dégradation du bâti – c'est ainsi qu'ils peuvent loger les plus démunis dans des conditions intolérables –, la moitié des logements insalubres sont occupés par leurs propriétaires eux-mêmes. Souvent pauvres, fragiles et âgés, ils sont démunis devant la complexité des procédures et des travaux à entreprendre ; leur situation, aggravée par les nouvelles exigences de rénovation énergétique, se dégrade au point de devenir parfois irrattrapable.

Ce projet de loi doit permettre d'éviter d'atteindre de telles extrémités, en donnant aux collectivités les moyens d'agir avant la dégradation définitive d'un immeuble et en clarifiant les possibilités de recours à des opérations de restauration immobilière. Ces mesures de lutte contre l'habitat dégradé sont d'ailleurs attendues par les élus locaux.

Plusieurs mesures techniques de ce texte sont pertinentes. Tel est le cas de l'élargissement de la définition des ORI, prévu à l'article 1er , ou de la facilitation des emprunts collectifs, prévue à l'article 2, mais dont l'application aux copropriétaires les plus modestes doit encore être précisée. Tel est encore le cas de la procédure d'expropriation des immeubles ayant fait l'objet d'un arrêté de police, prévue à l'article 3, qui permettra, avant la dégradation irrémédiable du bâti, l'intervention précoce des pouvoirs publics.

Je ne peux malheureusement pas commenter toutes les dispositions de ce texte, mais l'une d'elles me semble particulièrement intéressante. L'article 8 bis prévoit en effet que « [l]e règlement du plan local d'urbanisme […] peut définir des secteurs dans lesquels est obligatoire pour tout immeuble bâti la réalisation, au moins une fois tous les dix ans, d'un diagnostic structurel incluant une description des désordres observés et évaluant les risques que ceux-ci présentent pour la sécurité des occupants et celle du voisinage ». Un tel dispositif sera évidemment contraignant pour les propriétaires, mais devrait offrir aux collectivités une meilleure connaissance de l'état structurel de certaines zones bâties dégradées et leur éviter d'intervenir à coups d'arrêtés de péril ponctuels. J'y vois évidemment un progrès. En revanche, je n'ai identifié aucune disposition relative à l'exploitation de ces diagnostics. Qu'en est-il des travaux à engager en fonction de leurs résultats et qui se chargera de leur contrôle ?

Je ne peux que saluer les dispositions de l'article 8 ter, qui prévoit que « [l]e fait de mettre à la disposition d'une personne, moyennant une contrepartie, un hébergement incompatible avec la dignité humaine est puni de sept ans d'emprisonnement et de 200 000 euros d'amende ». Il est en effet temps de sanctionner très clairement et fermement les marchands de sommeil.

En conclusion, je souhaite rappeler un principe essentiel, même s'il ne plaît pas forcément aux entreprises du bâtiment : nous devons accorder la même importance à la réhabilitation des logements anciens qu'à la production de logements neufs. Ce n'est pas le cas actuellement, mais étendre le prêt à taux zéro au financement des opérations de rénovation du bâti ancien, y compris dans les communes situées en zone tendue, pourrait contribuer à mieux faire respecter ce principe. Il est plus que temps !

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