Comme mes collègues avant moi, je ne peux que regretter l'absence d'un ministre du logement de plein exercice, compte tenu de la crise que traverse ce secteur. Il est rare que des projets de loi, portant en particulier sur l'habitat et l'urbanisme, soient adoptés à l'unanimité en commission. En premier lieu, ce vote traduit un constat partagé avec tous les élus locaux confrontés à un parc important d'habitats dégradés, notamment en copropriété : le constat de procédures trop longues, trop complexes, ou encore trop tardives, et de conditions d'application parfois non objectivables et juridiquement insécurisantes. En second lieu, il traduit la qualité du travail effectué en commission. Je vous remercie, messieurs les rapporteurs, pour votre ouverture, votre esprit de coconstruction et la précision de vos argumentaires. J'espère que nous poursuivrons ainsi nos travaux dans l'hémicycle.
En commission, les députés du groupe Socialistes et apparentés ont fait adopter quatorze amendements et sous-amendements permettant de mieux préciser les dispositifs proposés et d'en assurer le caractère opérationnel. À cet égard, si nous avions soulevé la complexité de la première condition d'éligibilité prévue à l'article 3, nécessitant deux arrêtés, l'adoption de notre amendement remplaçant la nécessité de prouver une dégradation, à terme, « irrémédiable », de l'immeuble, par celle d'anticiper la « poursuite de la dégradation », est une avancée importante. Elle sécurise juridiquement la procédure et réduit le risque de contentieux. Dès lors, la conservation d'un premier critère restrictif se justifie et permet de conserver des garanties légales suffisantes. Nous n'y reviendrons donc pas en séance.
Nous souhaitons également poursuivre le renforcement du pouvoir donné au juge de scinder ou de dissoudre des associations syndicales libres (ASL) ou des associations foncières urbaines libres (Aful) lorsque celles-ci font véritablement obstacle à ces projets. Je crois savoir que nous pourrons progresser sur ce point crucial.
Nous proposons également de renforcer encore la lutte contre les marchands de sommeil en rendant automatique la confiscation de l'indemnité d'expropriation par le juge en cas de condamnation définitive de l'exproprié. En commission, notre collègue Stéphane Peu a énuméré des exemples choquants ; nous pouvons y mettre fin. Nous proposerons par ailleurs de mieux préciser les modalités de fixation de cette indemnisation, afin qu'elle ne soit pas décorrélée de la valeur réelle des biens, notamment en l'absence de références comparables.
Dans le même esprit, nous proposerons aussi de préciser les conditions d'évaluation financière tant de la démolition que de la remise aux normes. Cette dernière ne saurait se faire autrement qu'en respectant les dernières normes et non uniquement les normes de décence. À cet égard, si nous nous réjouissons du retour de la notion d'« habitabilité » à l'article 1er , il est essentiel d'aller plus loin et de viser l'amélioration des conditions d'habitabilité, notamment en intégrant le confort thermique en été comme en hiver. Parce que ces immeubles ne feront pas deux fois de suite l'objet de travaux aussi lourds, il faut en profiter pour aller le plus loin possible dans la réhabilitation.
En commission, nous avons salué le dispositif prévu à l'article 2, qui vise à favoriser la réalisation de travaux par les copropriétés à l'aide d'un emprunt collectif. Je nous mets cependant en garde contre le risque de voir des banques et des assureurs refuser d'aider celles des copropriétés qui en auraient le plus besoin, alors même qu'elles sont volontaires. L'article 40 de la Constitution ne nous permettant pas d'apporter cette garantie, pouvez-vous, monsieur le ministre, vous engager à ce que l'État apporte une garantie à ces prêts, à un niveau élevé, ou qu'il existe au minimum un prêteur et un assureur en dernier recours, à la CDC ou ailleurs ? Il nous faut garantir l'effectivité de l'accès à cet outil pour toutes les copropriétés.
Enfin, il nous paraît nécessaire de revenir sur l'amendement de M. Lionel Causse, qui a réduit les conditions de majorité pour le vote de travaux de rénovation énergétique. Si nous soutenons résolument la réalisation de tels travaux, nous craignons que le vote de travaux aussi lourds par une majorité inférieure au tiers des copropriétaires n'ait un impact contre-productif risquant d'engendrer des tensions, des impayés et un abandon en cours d'opération ; cela repousserait aux calendes grecques des travaux pourtant nécessaires. La sociologie des copropriétés démontre la nécessité d'un niveau minimal d'adhésion des copropriétaires pour assurer le succès de travaux lourds. À cet égard, l'article 25-1 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis apporte un équilibre satisfaisant.
Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra à nouveau ce texte et tentera d'œuvrer avec vous à son amélioration. Nous réitérons le vœu de voir prochainement nommé un ministre du logement de plein exercice, à même de se saisir des enjeux qui concernent nos concitoyens.