D'une importance capitale, la lutte contre l'habitat dégradé doit constituer la priorité de toute politique du logement responsable. Depuis le milieu des années 1990, la France fait face à une augmentation alarmante des situations d'urgence et des copropriétés fragiles, principalement concentrées dans nos centres-villes. Malgré cette réalité préoccupante, les gouvernements successifs n'ont pas réussi à relever le défi posé par la dégradation de l'habitat, créant ainsi un besoin urgent de mesures efficaces.
Si, dans sa rédaction actuelle, le projet de loi prévoit des mesures positives en faveur de la réhabilitation et de la simplification du financement des travaux, comme l'insaisissabilité des comptes bancaires des copropriétés en redressement, il reste indéniablement dévoyé par votre tendance à porter atteinte aux libertés publiques, en particulier au droit à la propriété, au nom de considérations qui n'ont rien à voir avec l'habitat indigne ou dégradé, ni de près ni de loin. J'en veux pour preuve les références insistantes à la rénovation énergétique : selon vous, il serait presque légitime d'exproprier un petit propriétaire ou de lui imposer des travaux au motif que le DPE de son logement n'est pas sanctionné de la bonne lettre – diagnostic dont le manque d'objectivité a d'ailleurs été épinglé le 10 janvier par le Conseil d'analyse économique (CAE).
Soyons clairs : quand nous dénonçons l'habitat indigne et dégradé, nous ne visons pas les logements classés E à l'issue du DPE, mais par exemple ceux avec une hauteur sous plafond de 1,80 mètre, qu'un décret publié cet été par le Gouvernement permet désormais de louer – les heureux propriétaires d'une cave vous en remercient, pas les locataires ! Nous visons ces bailleurs sociaux qui gèrent un parc de logements dévorés par les moisissures et qui les louent sans sourciller à des personnes n'ayant pas d'autre solution. Quand nous parlons d'habitat dégradé, nous pensons aussi à cet internat qui a dû être évacué parce que sa structure était branlante, ou à l'effondrement de deux immeubles à Lille, en plein centre-ville, qui a coûté la vie à un médecin.
En première ligne de la gestion de l'habitat dégradé, les élus locaux n'attendent pas des outils protéiformes, adoptés par le groupe présidentiel selon sa lubie du moment, et si complexes qu'ils en deviennent incompréhensibles et inutilisables, mais des dispositifs flexibles permettant de surmonter les lourdeurs normatives qui empêchent une intervention rapide. Malheureusement, ce texte ne va pas dans le sens de la simplification, de la clarification et de l'efficacité réclamées par les élus locaux. Bafouant les quelques suggestions faites par des associations de copropriétaires, il semble s'inscrire dans une vision politique qui réprouve la propriété immobilière. En privant les citoyens de la possibilité de construire un patrimoine immobilier, une telle approche risque de transformer la France en un pays de locataires mobiles.