Si vous m'y autorisez, madame la présidente, avant de commencer mon propos sur le projet de loi, je voudrais, en tant que député de Saint-Denis, avoir une pensée pour les familles, les proches, les camarades, les enseignants des jeunes Sedan, 14 ans, et Farid, 18 ans, morts tous les deux la semaine dernière à Saint-Denis dans des rixes.
Notre pays traverse une crise du logement inédite depuis trente ans. Le nombre de ménages en attente d'un logement social n'a jamais été aussi élevé, tandis que la construction n'a jamais été aussi faible depuis vingt-cinq ans. Le nombre de personnes sans domicile a doublé en dix ans, 3 000 enfants dorment chaque nuit dans la rue, et 18 % de la population habite un logement pouvant être considéré comme insalubre. Enfin, l'accès à la propriété pour les classes moyennes n'a jamais été aussi faible et inégalitaire socialement.
Malgré cette situation alarmante, le Président de la République et le Premier ministre n'ont pas jugé bon de doter le logement d'un ministère de plein exercice, ce qui augure mal de la suite, c'est-à-dire de la capacité et de la volonté du nouveau gouvernement d'enfin apporter des réponses adaptées à la crise du logement que subit notre pays.
Compte tenu des enjeux, l'ambition du projet de loi soumis à notre examen est modeste. Ce texte est néanmoins utile – nous l'avons dit en commission – en ce qu'il propose quelques avancées qui s'appuient sur les retours d'expérience des opérateurs et des élus locaux. Cela fait des années que, comme d'autres, nous réclamons les moyens techniques et juridiques permettant d'accélérer les procédures et d'intervenir en amont sur les copropriétés fragiles ou dégradées, avant que leur situation ne devienne irrémédiable. Nous accueillons donc avec satisfaction certaines des mesures emblématiques du texte, comme la nouvelle procédure d'expropriation dérogatoire en cas d'inaction des propriétaires, ou encore les mesures visant à accélérer et à sécuriser les opérations de requalification.
Nous en demeurons cependant toujours au même constat : malgré les lois qui se sont succédé depuis plus de vingt ans, nous n'en avons toujours pas fini avec les « maisons qui tuent » et la dégradation du parc des copropriétés. La moitié de ce parc datant des années 1950 à 1980, des investissements lourds sont nécessaires pour le maintenir en état, voire le remettre à niveau, et en améliorer la performance énergétique.
Cependant, loin de tenir uniquement à la fin de ce que l'on nomme le « cycle technique » de ces immeubles, les causes de l'accroissement des difficultés des copropriétés sont aussi à rechercher dans la paupérisation accrue des propriétaires occupants – personnes âgées ou primo-accédants modestes – et le comportement de certains propriétaires bailleurs, qui considèrent leur bien uniquement comme un produit financier, source de rentabilité, et non comme un bien patrimonial. Certaines copropriétés atteignent ainsi un taux d'impayés supérieur ou égal à 25 %.
Devant l'ampleur des difficultés, nous ne pouvons en rester à l'accumulation de dispositifs juridiques, sans moyens humains et budgétaires renouvelés. Or, non content de faire l'impasse sur les questions financières et sociales, votre texte reste trop timide sur des questions essentielles à nos yeux, comme la lutte contre les marchands de sommeil, le problème posé par le pouvoir exorbitant des propriétaires bailleurs, qui paralysent parfois les travaux, ou encore la question de la politique d'investissement public et de construction de logement social, seule à même d'assécher le marché noir du logement sur lequel prospère l'habitat indigne.
Comme d'autres groupes, nous avions déposé en commission des amendements visant à élargir le débat et à nous attaquer aux causes profondes des difficultés que connaissent aujourd'hui les copropriétés dégradées et leurs occupants. Même si nous convenons que le débat a été constructif, nous regrettons qu'une grande partie de nos propositions aient été déclarées irrecevables au motif qu'elles étaient sans lien avec le texte.