La République française ne saurait tolérer qu'un seul de ses enfants soit plongé dans l'indignité de vivre dans un habitat précaire. Face à l'indignité, la seule réponse possible est l'indignation. Or, quand on est un responsable politique, l'indignation doit toujours mener à l'action – plutôt que parler, il faut agir. L'indignation, c'est le discours puissant du Président de la République à Marseille en juin 2023, discours dans lequel il s'est saisi du sujet à bras-le-corps. Quant à l'action, elle s'est traduite, depuis plusieurs mois, par le travail de la Première ministre, Élisabeth Borne, et des ministres chargés du logement qui ont œuvré à mes côtés et que je salue : Olivier Klein a posé les bases de ce projet de loi et Patrice Vergriete en a rédigé l'essentiel.
Ce texte important propose des solutions concrètes à un problème qui touche la France entière et qui crée des situations de détresse humaine intolérables. Il constitue une promesse sociale et humaine pour des milliers de Français et intervient dans un contexte de crise profonde et multifactorielle du secteur du logement, une crise à la fois conjoncturelle et structurelle à laquelle nous devons répondre.
Le projet de loi traduit plusieurs ambitions complémentaires au service de nos concitoyens : une ambition économique, une ambition écologique et une ambition sociale.
Une ambition économique, tout d'abord. Pour que chacun puisse acheter ou louer un logement correspondant à ses besoins, nous développons des mesures immédiates de soutien à la production de logements abordables. En 2024, la mobilisation renforcée du secteur HLM nous permettra de créer 110 000 logements sociaux. Par ailleurs, 6 millions de Français supplémentaires seront rendus éligibles au prêt à taux zéro (PTZ) grâce à de nouveaux critères et au recentrage du dispositif sur la production neuve en zone tendue.
Une ambition écologique, ensuite. Elle se traduit par l'accélération de l'adaptation du parc national de logements aux enjeux de la transition écologique. Le Gouvernement investit massivement – j'insiste sur ce terme – en faveur de la rénovation énergétique et de la décarbonation des bâtiments. Cette politique repose sur trois piliers : la lutte contre les passoires thermiques, la montée en puissance du dispositif MaPrimeRénov' et un effort de financement pour la rénovation du parc social.
Enfin, le projet de loi nourrit une ambition sociale, qui sera au cœur de nos débats et dont les dimensions sont multiples : l'hébergement d'urgence, dont nous maintenons en 2024 le niveau extrêmement haut – 203 000 places disponibles avant même le déblocage des 120 millions d'euros annoncés par le Gouvernement –, l'accélération de la construction de logements sociaux, et, plus urgentes encore, la lutte contre l'habitat indigne et la requalification des copropriétés dégradées.
De quoi parlons-nous exactement ? Certaines copropriétés sont dites dégradées parce qu'elles sont fragilisées par des problèmes financiers ou techniques et parce qu'elles rencontrent des difficultés pour maintenir leurs immeubles en bon état. Plus de 114 000 copropriétés, soit près de 1,5 million de logements, sont aujourd'hui fragiles et nécessiteront, à court ou moyen terme, une intervention de la puissance publique. Lorsque ces situations dégénèrent et que l'on n'intervient pas, peu ou mal, la santé et la sécurité des occupants peuvent être menacées et des drames se produire.
Actuellement, 400 000 logements, occupés par 1 million de personnes, dont 50 % de locataires, sont encore potentiellement indignes. Une part substantielle d'entre eux sont situés dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Je comprends le terrible sentiment d'impuissance des élus locaux et des voisins de bonne foi face à ces situations dramatiques – je le comprends d'autant mieux que pendant dix ans, avant d'avoir l'honneur de m'exprimer à cette tribune, j'ai été le maire d'une ville qui compte sept QPV, Angers.
Enfin, la longueur des processus administratifs est totalement inadaptée aux difficultés que rencontrent les copropriétés. Un chiffre est particulièrement frappant : la durée des programmes de redressement des copropriétés en difficulté varie entre cinq et dix ans ; elle peut même atteindre vingt ans pour la transformation des grands ensembles confrontés à des dysfonctionnements majeurs au sein d'un quartier ou pour la requalification de quartiers anciens dégradés. Cinq ans, dix ans, vingt ans, c'est toujours trop long quand il y a urgence !
Pour remédier à cette situation, le Gouvernement a instauré plusieurs dispositifs qui ont fait leurs preuves et qui nous incitent à accélérer. En 2018, nous avons lancé le plan Initiatives copropriétés (PIC), qui consacrait 2,7 milliards à des interventions publiques pendant dix ans pour accompagner les copropriétés les plus dégradées et traiter 88 000 logements. Nous avons également engagé une simplification de la police de l'habitat indigne à travers une ordonnance de 2020 permise par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi Elan – déjà fermement soutenue, à l'époque, par le rapporteur Guillaume Vuilletet. Cette réforme porte déjà ses fruits puisque le nombre d'arrêtés d'insalubrité a progressé de 30 % entre 2018 et 2022, passant de 2 700 à 3 600.
Le présent projet de loi n'est donc pas un point de départ : il s'inscrit dans une continuité et a vocation à nous donner des outils supplémentaires pour répondre à la crise du logement. Ce texte prolonge également les travaux sur l'habitat indigne confiés à la maire de Mulhouse, Michèle Lutz, et au maire de Saint-Denis, Mathieu Hanotin, qui ont animé la mission relative aux outils d'habitat et d'urbanisme à créer ou améliorer pour renforcer la lutte contre l'habitat indigne.
Je peux résumer les objectifs du projet de loi à travers un triptyque simple : accélérer et simplifier, conformément à l'orientation donnée par le Président de la République mardi dernier lors de sa conférence de presse ; lutter contre les marchands de sommeil ; améliorer les conditions de vie des Françaises et des Français qui vivent en copropriété, soit 10 millions de logements.
Pour atteindre ces trois objectifs, le texte que je vous présente se structure autour de deux axes : d'une part, faciliter et hâter l'intervention foncière de la puissance publique sur l'habitat indigne pour éviter la dégradation définitive ; d'autre part, accélérer les procédures de recyclage et de transformation des quartiers.
Le premier axe est d'intervenir le plus tôt possible afin de mettre un terme précoce aux spirales de dégradation. À cette fin, nous proposons notamment la création du prêt collectif aux copropriétés, qui vise à faciliter dans toutes les copropriétés le financement bancaire des travaux. Cette mesure répond à une attente très forte des copropriétaires, démunis face à l'absence de financement ou à l'obligation d'attendre plus d'un an et demi pour en obtenir un. Parmi les autres mesures contenues dans le texte – je suis à votre disposition pour les détailler lorsque nous discuterons des articles –, je veux signaler l'extension du périmètre de la procédure d'opération de restauration immobilière (ORI), aujourd'hui conçue pour les centres anciens ; l'amélioration de l'information des copropriétaires, ainsi que des occupants, sur l'état de la copropriété, pour protéger les acheteurs ; l'introduction de l'insaisissabilité des comptes pour les copropriétés sous administration judiciaire ; et, enfin, l'enrichissement du registre national des copropriétés par l'introduction des diagnostics de performance énergétique (DPE).
Le second axe du projet de loi est de simplifier et d'accélérer les procédures judiciaires et administratives, par exemple en améliorant le traitement des situations dramatiques en matière de sécurité et de salubrité, et la réactivité de la puissance publique, par un ajustement de la procédure d'expropriation en cas d'effondrement imminent. Le texte contient également des mesures pour accélérer les opérations d'aménagement importantes, notamment en numérisant les procédures.
À l'heure où vos travaux débutent en séance publique, je veux saluer le travail que vous avez effectué en commission et le consensus politique qui s'est dégagé sur de nombreux points du texte.