Les remarques de M. Buchou me conduisent à évoquer une autre évolution essentielle que j'ai souhaité insuffler à la direction des sports, à savoir le renforcement du dialogue de gestion avec les fédérations. Aujourd'hui, on réclame à ces dernières de nombreux documents : projet sportif fédéral, projet pluriannuel de performance, déclinaison des principes essentiels de la République, etc. Il est nécessaire de mener avec elles un dialogue serré, exigeant, précis, assis sur des chiffres et des indicateurs de performance. Cela permet notamment de cartographier les risques, de connaître les problèmes, les vulnérabilités et l'historique de chaque fédération, et de savoir ce qu'il faut essayer de réparer. Tous ces éléments sont analysés en lien avec l'Agence nationale du sport, ce qui peut parfois nous amener à revenir sur l'attribution de certaines subventions. Il existe des cordes de rappel. Avant d'attaquer une fédération au bazooka en lui retirant sa délégation, ce qui constitue une punition collective, divers moyens permettent de nous assurer que chacun fait bien son travail. C'est cette culture-là que je veux inscrire au cœur de la direction des sports.
Quand je suis arrivée au ministère, beaucoup d'agents étaient un peu tristes ou abattus parce qu'ils avaient perdu un certain nombre de compétences au profit de l'Agence nationale du sport. Je leur ai recommandé de voir en cette évolution une opportunité de mieux assurer leurs missions régaliennes, celles où l'État est attendu. Je leur ai dit que c'était l'occasion rêvée de renforcer le dialogue de gestion et l'évaluation du travail effectué par les opérateurs, et je me suis battue pour obtenir une augmentation des effectifs leur permettant de bien assurer ces missions régaliennes.
Aujourd'hui, je sollicite l'IGESR plus fortement que jamais. Depuis mon arrivée, le 20 mai 2022, seize audits ont été menés – dix dans le cadre des contrôles récurrents, six ad hoc –, et je ne compte pas le nombre de saisines du parquet national financier au titre de l'article 40 du code de procédure pénale. J'active le système pour que chacun aille au bout de ses missions.
S'il faut renforcer un peu plus les choses, en matière de cordes de rappel, et s'il faut inventer une forme d' impeachment – je viens de prononcer un gros mot – à l'encontre d'un président de fédération qui emprunterait une voie absolument inacceptable, pour ne pas devoir attendre trois mois avant d'obtenir sa démission, je le ferai avec vous, comme je l'ai dit dans mon propos liminaire. Il conviendrait de limiter cette procédure aux cas les plus graves, aux situations de blocage des institutions, car il faut d'abord et avant tout laisser les instances jouer leur rôle ; mais si elles ne le font pas, pour telle ou telle raison, alors nous devrons peut-être aller jusque-là. Si cela peut permettre de fortifier notre modèle sportif, allons-y !
Le général de Gaulle a eu le génie d'inventer un système où l'État joue pleinement son rôle tout en laissant le mouvement sportif autonome – et non indépendant, comme je me suis fait un plaisir de le rappeler à la FIFA lorsqu'elle me reprochait de regarder d'un peu trop près les agissements de Noël Le Graët. Les fédérations, autonomes, sont délégataires d'un service public dont le titulaire est l'État, sous le contrôle des Français et de la représentation nationale. Ce système équilibré est assez génial. Il doit continuer de fonctionner. Il a à son actif de nombreuses réussites que j'ai évoquées tout à l'heure, y compris en matière de performances sportives. On ne dit pas assez que notre pays est l'une des meilleures nations sportives du monde, si ce n'est la meilleure, dans le domaine des sports collectifs.
Ceux qui trahissent le système, qui ne font pas leur boulot, nous devons les empêcher de continuer de nuire en les attrapant par les bretelles. Pour ce faire, nous devons activer tous les dispositifs que vous, législateurs, avez mis entre nos mains. Nous devons mobiliser tout ce que notre République compte d'organes indépendants, de cours, d'inspections, de missions d'expertise et d'audit.
Tout ce que je viens de dire s'applique de la même manière à la lutte contre le racisme.
J'ai même envie d'aller plus loin. Si je me bats, sur ces sujets, avec vous, c'est parce que je veux libérer le sport de ses maux. C'est parce que je pense que le sport compte parmi les ingrédients susceptibles de rendre la société meilleure, plus solidaire, plus fraternelle. La pratique d'un sport, a fortiori d'équipe, dans un club, permet d'apprendre la mixité, l'inclusion, le partage et le vivre ensemble dans une France bigarrée. Je me suis parfois agacée en disant que le sujet n'était pas « balance ton sport », mais « balance ceux qui salissent, abîment et détruisent le sport ». Le sport, lui, fait partie des solutions pour notre société. C'est la chance que nous avons avec les Jeux et la grande cause nationale. Nous allons essayer, tous ensemble, d'être au rendez-vous.