Le niveau inédit de nos efforts en matière de solidarité internationale – l'APD a représenté 15,2 milliards d'euros en 2022, ce qui fait de la France le quatrième bailleur à l'échelle mondiale – nous oblige plus que jamais à rendre compte de notre action et à l'évaluer. Le débat sur la redevabilité et la traçabilité de notre aide publique au développement, qui s'est tenu à l'Assemblée nationale il y a deux jours, l'a démontré.
Comme vous le savez, après plusieurs années de baisse de l'APD, la France a engagé en 2017 un processus de refondation de sa politique de développement afin de renforcer la crédibilité de son action diplomatique, de répondre aux grands enjeux mondiaux et d'amplifier l'impact de ses actions dans les pays partenaires en mobilisant des canaux bilatéraux, européens et multilatéraux. En s'appuyant sur des coalitions, notre pays peut apporter des réponses efficaces aux défis globaux déclinés par l'agenda 2030 et par les dix-sept objectifs de développement durable (ODD). La France souhaite qu'aucun État n'ait à choisir entre la lutte contre la pauvreté et la lutte contre les changements climatiques. Dans le cadre du vaste chantier de rénovation de notre politique de développement, la promulgation de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, adoptée à l'unanimité au Parlement et promulguée le 4 août 2021, a marqué une étape importante.
Le Conseil présidentiel du développement (CPD), réuni par le Président de la République le 5 mai 2023, a fixé dix objectifs prioritaires afin d'orienter notre action. Le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) de juillet a permis ensuite de préciser les modalités de mise en œuvre de ces dix objectifs. Ces deux étapes majeures ont entériné un changement de paradigme : la politique d'aide publique au développement est désormais une stratégie d'investissement solidaire.
Ce choc de méthode permettra de rendre notre action plus flexible et de mieux répondre aux défis contemporains. Vous le savez, ces trois dernières années ont été marquées par une succession de coups d'État au Sahel, qui ont eu des conséquences sur le déploiement de notre aide dans les pays concernés. Nous n'abandonnons pas les populations civiles, mais nous ne pouvons pas continuer de travailler avec des juntes militaires, dont certaines sont complices du groupe Wagner.
Afin de mieux prendre en compte nos priorités politiques, nous avons également décidé, à la fin de l'année 2023, de permettre à l'Agence française de développement d'intervenir en Ukraine. L'application de cette stratégie passe par un pilotage renforcé de nos actions. Les ministres chargés des affaires étrangères et de l'économie assureront ainsi l'évaluation de l'exécution de nos priorités politiques à l'occasion d'une réunion annuelle.
Enfin, nos investissements solidaires auront vocation à promouvoir notre influence, nos valeurs et nos intérêts, en construisant de nouveaux partenariats ambitieux et en permettant de répondre aux nombreuses campagnes de désinformation orchestrées par des États hostiles à nos intérêts et à notre modèle démocratique.
Cela étant, l'efficacité de notre politique dépendra également de l'évaluation des effets de nos actions. Sur ce point, la loi prévoit la création d'une commission indépendante d'évaluation de l'aide publique au développement. À cet égard, je sais que certains élus ont fait part de leur lassitude et de leur regret de devoir passer par la loi pour en faire respecter une déjà promulguée il y a plus de deux ans.
Mesdames et messieurs les députés, n'ayez aucun doute sur la volonté du Gouvernement de voir cette commission apparaître et commencer à travailler rapidement.