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Intervention de Christophe Béchu

Séance en hémicycle du mercredi 17 janvier 2024 à 21h30
Le sans-abrisme réceptacle des échecs des politiques publiques

Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires :

Avant de commencer mon intervention, je veux dire mon émotion alors que plusieurs personnes sont décédées ces derniers jours du fait de la vague de froid – bilan qui vient de s'alourdir avec un nouveau mort à Marseille ce soir. Ces drames humains nous obligent à encore plus de réactivité et encore plus de vigilance. Au-delà des chiffres, ils nous rappellent la réalité et nous incitent à faire plus d'efforts pour éviter ces situations et mettre à l'abri ceux qui veulent l'être. Ils nous invitent à réfléchir à la façon dont nous pouvons resserrer les mailles du filet de la solidarité.

Le sans-abrisme constitue l'une des formes les plus extrêmes de la grande exclusion en France, comme partout en Europe. Face à des situations dramatiques qui diffèrent chacune l'une de l'autre, l'État est garant de la solidarité nationale. Même si rien n'est jamais parfait, nous prenons nos responsabilités et nous nous mobilisons pleinement pour assurer une réponse à deux étages : une réponse à l'urgence sociale et une action structurelle de plus long terme pour favoriser l'accès au logement, car personne ne considère que l'hébergement d'urgence constitue la meilleure solution.

Permettez-moi, à titre introductif, de rappeler trois éléments concernant l'action générale des pouvoirs publics en matière de lutte contre le sans-abrisme.

Premièrement, la France consacre des moyens d'ampleur à la lutte contre le sans-abrisme avec un budget de 3 milliards d'euros par an. Jamais la mobilisation publique en faveur des personnes sans domicile n'a été aussi importante qu'aujourd'hui, preuve du caractère particulièrement volontariste de la politique que nous menons par comparaison avec certains pays voisins.

Deuxièmement, depuis 2021, l'État a repris en main le pilotage de cette politique publique afin de renforcer et fluidifier notre capacité d'action. Désormais, une administration centrale, la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement, se consacre entièrement aux personnes sans domicile. Son périmètre d'action couvre tous les champs contribuant à la lutte contre le sans-abrisme qui vont de l'intervention auprès des personnes à la rue jusqu'au développement d'une offre de logements accessibles, en passant par l'hébergement, le logement accompagné, la prévention des ruptures, en particulier celle des expulsions.

Troisièmement, nous ne rappellerons jamais assez à quel point la coordination avec les associations, les services déconcentrés et les collectivités est essentielle. Je le disais il y a quelques instants, la lutte contre le sans-abrisme nécessite la mobilisation de tous. C'est pour cela que l'État s'appuie sur un vaste réseau de services déconcentrés, d'associations, de collectivités territoriales et, plus globalement, sur l'ensemble des acteurs impliqués dans les politiques de lutte contre la précarité et en faveur de l'inclusion sociale.

J'insiste tout particulièrement sur la responsabilité des départements, véritables courroies de transmission des politiques publiques en matière de protection des populations les plus vulnérables. Il nous serait impossible sans leur concours et leur mobilisation active au quotidien de déployer les moyens actuellement mis en œuvre, quel que soit le montant des budgets engagés.

J'en viens à l'action que le Gouvernement mène pour répondre à l'urgence humaine et sociale qui concerne des femmes, des hommes et des enfants. Cette action repose sur deux piliers : assumer la montée en puissance de la politique d'hébergement d'urgence et de mise à l'abri immédiate des personnes vulnérables, d'une part ; accélérer les efforts de l'État en matière d'accès à un logement pérenne des personnes sans domicile, d'autre part.

Concernant d'abord la politique d'hébergement d'urgence, le Gouvernement, en 2023, finance 203 000 places, un nombre qui a plus que doublé en dix ans. Le maintien du parc d'hébergement à un niveau historique garantit davantage de sécurité pour la prise en charge des personnes. Pour aller plus loin, le 8 janvier dernier, le Gouvernement, par la voix de Patrice Vergriete, alors ministre délégué chargé du logement, a annoncé une enveloppe de 120 millions d'euros permettant d'ouvrir 10 000 places d'accueil supplémentaires pour les publics les plus vulnérables. Cette politique d'hébergement d'urgence est une politique de gestion de crise, une politique de l'instant, j'en ai parfaitement conscience, mais il s'agit du dernier filet de sécurité mobilisable pour absorber la croissance des publics précarisés, notamment ceux qui ne sont pas éligibles à des formes de logement plus durables.

C'est pour cela que notre politique en matière de sans-abrisme a deux jambes : nous répondons aux situations d'urgence mais, comme une telle politique ne serait pas viable si elle était considérée isolément, nous accélérons les efforts de l'État en matière d'accès des personnes sans domicile au logement dans la durée. Dans le projet de loi de finances pour 2024, les crédits ouverts pour le programme 177 s'élèvent à 2,9 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une hausse de 75 millions d'euros par rapport à l'année précédente.

Au titre de cette politique, le Gouvernement avance avec deux grands objectifs : stimuler la production de logement social, notamment par son financement, et poursuivre les efforts que nous avons commencé à fournir en 2017 avec le plan « logement d'abord ».

Concernant le financement de la production de logement social en 2024, nous avons d'abord mis sur pied un fonds de rénovation de 400 millions d'euros destiné à offrir ou à remettre sur le marché des logements de qualité aux locataires, à améliorer le confort thermique et à contribuer à baisser les charges. Nous avons ensuite dégagé 8 milliards d'euros de prêts bonifiés, qui équivalent à un montant de 650 millions d'euros de subventions. Cela constitue une ressource supplémentaire pour les bailleurs sociaux, après le plafonnement à 3 % du taux d'intérêt du livret A, dont les variations à la hausse pèsent, nous le savons, sur leur financement.

Nous avons enfin créé un dispositif fiscal de « seconde vie » pour les logements nécessitant les rénovations les plus lourdes en partant du principe que les avantages dont ils peuvent bénéficier doivent être comparables à ceux attribués pour les logements neufs, tout cela bien sûr en vue d'encourager la transition écologique.

Toujours dans le cadre de notre action destinée à stimuler la production de logement social nous avons cherché à renforcer les innovations sociales et financières, dans le contexte économique que vous connaissez. Je pense, par exemple, aux sociétés de copromotion qui permettent aux bailleurs sociaux de récupérer une partie des bénéfices de la promotion privée.

Par ailleurs, nous voulons appliquer plus fermement la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU. En 2023, les décisions prises à la suite des constats de carence témoignent de la volonté de l'État de ne pas fermer les yeux devant la volonté de certaines collectivités de se dérober à la solidarité nationale en ne se conformant pas à l'objectif d'un taux de 25 % de logements sociaux.

Enfin, nous continuons à viser un calibrage ambitieux en matière de production de logements sociaux. Nous en attendons un peu moins de 100 000 en 2024 auxquels viennent s'ajouter une vingtaine de milliers au titre de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

J'en viens à la politique menée dans le cadre du plan quinquennal « logement d'abord ». Je veux insister sur l'efficacité démontrée du premier plan. Cinq ans après son lancement, 550 000 personnes sans domicile ont été relogées, dans un contexte pourtant particulièrement tendu. Parmi elles, 60 % ont accédé au logement social, et 40 % ont été logées dans un logement adapté par l'intermédiaire d'une pension de famille ou dans le parc privé à vocation sociale. Ces efforts engagés depuis 2017 ont permis à des personnes ayant connu un long parcours de rue de bénéficier d'un logement individuel, sans limite de temps. C'est la raison pour laquelle nous avons déployé un deuxième plan « logement d'abord » pour une période couvrant les années 2023 à 2027.

Nos ambitions en ce début d'année consistent, d'une part, à produire et mobiliser des solutions de logement adaptées et abordables pour les ménages en grande précarité et, d'autre part, à investir plus fortement sur le volet préventif.

C'est ainsi que nous travaillons à la croissance du parc privé à vocation sociale. Pour cela, nous avons fixé des objectifs territorialisés pour créer 30 000 nouvelles places d'intermédiation locative dans le parc privé. Nous accélérons également l'ouverture de nouvelles places de pensions de famille avec des objectifs eux aussi territorialisés visant 10 000 nouvelles places.

Pour ce qui est du volet préventif, nous allons monter en puissance en matière de politique de prévention des expulsions locatives. Nous comptons également développer des solutions en faveur de l'accès au logement des jeunes en situation de vulnérabilité.

Ce panorama de l'action engagée par l'État en matière de lutte contre le sans-abrisme illustre l'action forte et déterminée qu'il mène, une action qui se dote de moyens à la hauteur de la gravité de la situation.

Je souhaiterais conclure en vous indiquant qu'en ce moment même, mon ministère planche sur plusieurs dossiers afin de compléter les politiques publiques que je vous ai présentées. Nous lancerons très prochainement une mission centrée sur la situation des enfants à la rue. Nous préparons également une nouvelle instruction à destination des préfets pour améliorer la fluidité du dispositif hébergement. Enfin, nous travaillons sur une réforme plus structurelle de l'hébergement qui passe par la définition d'une feuille de route concertée avec toutes les parties prenantes.

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