Nous avons parlé jusqu'à présent d'accueil inconditionnel en hébergement d'urgence. Or vous faites référence au droit au logement opposable : il s'agit d'une procédure très différente, même si elle est importante. En effet, le droit au logement opposable n'est pas ouvert aux personnes en situation irrégulière puisqu'il faut avoir droit au logement social. La loi est très claire sur ce point.
J'en viens à votre question concernant l'assouplissement des baux d'habitation. Il existe effectivement des droits pour les locataires, qui sont autant de devoirs pour les propriétaires. Inversement, les locataires ont des devoirs et les propriétaires ont des droits. Jusqu'à présent, la plupart des observateurs considéraient que les relations étaient assez équilibrées. La loi de 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs avait pacifié ce débat classique : faut-il libéraliser, assouplir ou non ? L'équilibre était donc bien respecté.
Vous dites qu'en cas d'impayé ou de dégradation commise par le locataire, le bailleur est lésé – cet argument est souvent mis en avant. C'est vrai, il existe des cas, même s'ils sont minoritaires, où des bailleurs sont mis en difficulté parce qu'ils ont perdu six mois ou un an de loyer et qu'il faut engager des travaux de remise en état. Face à ce constat, la solution est-elle de réduire les droits des locataires et de remplacer le bail de trois ans par un bail de trois mois ou d'un an ? Ou, au premier impayé, le locataire doit-il être mis dehors, selon la logique de la loi Kasbarian Bergé, que nous ne partageons pas ?
Nous estimons qu'il faut sortir par le haut de cette opposition entre le locataire et le bailleur, grâce à un tiers de confiance. C'est le rôle, par exemple, des assureurs privés. Un bailleur peut contracter une assurance, cela sert à ça : vous avez une activité économique et il arrive qu'on ne vous paie pas. Vous pouvez souscrire une assurance. Cela coûte évidemment un peu d'argent mais cela permet de limiter les risques. Le problème des assurances privées est qu'elles imposent des conditions restrictives, interdisant par exemple de louer à des personnes précaires. Ce n'est donc pas non plus la meilleure solution.
La meilleure solution serait de recourir à un dispositif qui existe désormais, financé par Action logement, la garantie Visale – on l'appelait auparavant, dans une version plus ambitieuse qui n'a jamais été appliquée, la garantie universelle des loyers (GUL). C'est d'abord un tiers de confiance, public ou parapublic, qui intervient dans la relation entre le locataire et le bailleur. En cas de dégradation ou d'impayé, il indemnise le bailleur pour, ensuite, se retourner vers le locataire – puisque le locataire a l'obligation de payer son loyer. Cette solution, rassurante pour les bailleurs, permettrait de sortir de la situation par le haut et arrangerait tout le monde, sans dégrader les droits des locataires. Rappelons la différence entre l'hébergement et le logement : dans un logement, vous êtes chez vous pour un temps appelé à durer. Si vous vous comportez bien et que vous ne le dégradez pas, que vous ne causez pas de nuisances de voisinage et que vous payez votre loyer, vous y êtes pour longtemps, sauf accident. Il ne faut pas revenir sur ce principe, car c'est ce qui fait toute la stabilité du logement et qui permet aux personnes de vivre correctement et normalement.