Les obligations d'innovation relèvent non des chaînes mais des programmes catégorisés comme des œuvres audiovisuelles qui, de ce fait, peuvent obtenir l'aide du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). La majorité des programmes diffusés n'entrent pas dans cette catégorie et n'ont pas les mêmes obligations.
Concernant les effets connus sur les publics, les téléspectateurs ont bien une connaissance des ficelles d'écriture et de production. Les programmes sont également perçus comme un divertissement ; le public n'est pas dupe. Surtout, on présume toujours que les programmes ont des effets sur les autres. On oublie qu'ils influencent les journalistes eux-mêmes. C'est la circulation circulaire de l'information : les chaînes d'information continue sont allumées en permanence dans les rédactions, y compris de France 2 ou TF1. Dans le passé, des journaux comme Le Parisien ou Le Monde étaient prescripteurs des sujets choisis pour ouvrir les journaux télévisés. Aujourd'hui, ce sont plutôt des chaînes telles que BFM TV qui inspirent le sommaire des journaux télévisés.
Les effets sur les élus sont également sous-estimés. De nombreuses émissions de la TNT chroniquent le travail de la police, de la gendarmerie ou des urgences. Dans les sociétés qui les produisent, de jeunes journalistes démarchent les élus et leur proposent de réaliser un reportage de ce type sur leur police municipale. Les élus trouvent un intérêt à équiper les policiers de beaux uniformes et de voitures rutilantes, et à les médiatiser, car cela satisfait la population.
Enfin, ces émissions ont des effets sur les policiers eux-mêmes, qui les regardent beaucoup : elles agissent donc comme un miroir tendu à la police.
Il a été question de l'hypertrophie et de l'uniformisation de certains contenus, mais pas de l'invisibilisation des autres questions : quand on parle de certains sujets, on n'en évoque pas d'autres, notamment ceux qui nécessitent beaucoup d'investigation, donc de temps.
Les émissions sur la police et la gendarmerie tendent à surexposer les catégories populaires, davantage concernées par les contrôles routiers ou les déviances dites de rue. Il est plus difficile de mettre en images à la télévision la délinquance en col blanc – conflits d'intérêts, fraude fiscale. Cela demande un temps d'enquête plus long et conduit à des productions audiovisuelles très coûteuses, donc moins rentables. Les chaînes de télévision qui disposent d'un budget réduit pour financer leurs programmes sont conduites à exposer davantage certains types d'information et de déviance plutôt que d'autres.
Pourtant, les émissions d'investigation, lorsqu'elles existent – c'est-à-dire presque uniquement sur des chaînes du service public, Arte ou France Télévisions ; elles ont disparu de Canal+ depuis que Vincent Bolloré a racheté la chaîne –, fonctionnent très bien. Cash investigation obtient de très bonnes audiences ; Complément d'enquête aussi, depuis que Tristan Waleckx a impulsé une nouvelle ligne. Le public répond présent quand on lui propose une offre diversifiée de traitement journalistique, fondée notamment sur des enquêtes d'investigation au long cours. Cela pose la question des moyens que l'on donne aux chaînes publiques pour traiter ces sujets d'investigation.