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Intervention de Éric Darras

Réunion du jeudi 11 janvier 2024 à 9h00
Commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre

Éric Darras, directeur de l'Institut d'études politiques de Toulouse, professeur agrégé des universités en science politique :

Un autre effet indirect est que les contenus télévisuels en matière d'information sont très souvent repris sur les médias et réseaux numériques. Également, les sociologues du journalisme le vérifient depuis vingt ans, dans les rédactions, les chaînes d'information continue sont allumées en permanence et ce bruit de fond constitue la source essentielle d'information des journalistes.

Au-delà de l'effet d'agenda, depuis une vingtaine d'années, de nombreux travaux portent sur l'effet de cadrage, sur l'imputation de responsabilité. Ils tendent à montrer l'influence que peut avoir la manière dont on traite l'information, par la fait-diversification ou les micro-trottoirs – faute de moyens, on demande leur avis à des citoyens. Par exemple, si l'on traite du chômage en mettant l'accent sur le chômeur, sans expliciter le contexte historique et statistique, en invitant toujours moins d'experts sur les plateaux, en raison de l'économie de moyens propres au nouveau journalisme, et en adoptant un cadrage épisodique, qui individualise, on produit des effets sur les schèmes de perception, c'est-à-dire la façon de penser des téléspectateurs. Les groupes de discussion ou focus groups, constitués avec des échantillons de téléspectateurs très différents l'ont montré, et cela vaut pour tous les sujets : ce type de reportage tend à imputer la responsabilité, non au système social ou aux politiques, mais au chômeur, à l'émigré. Ces effets sur les schèmes de perception, s'ils sont avérés, sont potentiellement très puissants.

Quant à la hiérarchisation, les téléspectateurs sont en effet capables de déconstruire la fabrication des programmes d'information. Dans cette nouvelle économie de l'information en matière télévisuelle, on constate toutefois que, de plus en plus souvent, les intervieweurs dominants des hommes politiques sont des animateurs-PDG, qui n'ont pas la carte de journaliste, ce que personne ne sait. Cela renvoie aux conditions du contrôle de la production de l'information, qui ne sont pas les mêmes dans d'autres pays. Le fait n'est pas gênant en soi, mais il importe que les téléspectateurs soient informés de ce que les journalistes sont de moins en moins chargés de la production de l'information sur les chaînes de télévision.

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