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Intervention de Nicolas Hubé

Réunion du jeudi 11 janvier 2024 à 9h00
Commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre

Nicolas Hubé, professeur des universités en sciences de l'information et de la communication au sein du Centre de recherche sur les médiations de l'université de Lorraine, directeur du Centre interdisciplinaire d'études et de recherches sur l'Allemagne :

Mes recherches portent sur la comparaison des pratiques journalistiques et de communication. Je suis aussi un spécialiste de l'Allemagne et mène d'autres projets sur l'émotionnalisation du débat public et du populisme. Deux questions sont au cœur de l'audition : l'explosion médiatique à la suite de l'arrivée de la TNT et la régulation du marché de l'audiovisuel.

Sur le premier point, il n'est pas inutile de faire un rappel de la situation antérieure à l'arrivée de la TNT, où plus de la moitié des foyers français n'avait accès qu'à cinq chaînes de télévision et demie – Canal + en clair. Désormais, du fait du nombre de chaînes de la TNT, de l'explosion d'internet et des nouveaux formats télévisuels et radio – on peut regarder une interview matinale radio sur YouTube –, le nombre de supports est démultiplié et le temps de l'audience n'est plus linéaire.

Par ailleurs, comme l'a souligné Jérôme Berthaut, quand bien même les audiences des chaînes d'information en continu sont faibles, les citoyens interrogés sur le biais par lequel ils s'informent répondront qu'ils le font soit sur internet et les réseaux sociaux, ce qui ne signifie pas grand-chose dans la mesure où ce ne sont que des tuyaux, soit sur BFM et CNews. Le taux d'audience déclaré est beaucoup plus fort. Cela signifie que pour s'informer, même cinq minutes par jour, on va brancher BFM, ce que les mesures d'audience cumulée ne peuvent pas estimer.

En réalité, le seul élément qui n'a pas changé, c'est le cadre législatif. C'est d'ailleurs peut-être pour cela que vous nous auditionnez.

Pour ce qui est de la régulation et de l'économie du système, notre situation se rapproche paradoxalement de celle des années 1930 : une très forte concentration des médias, une très forte commercialisation et une lutte concurrentielle, une scandalisation de la vie politique par le biais des médias. À l'issue de la seconde guerre mondiale, cela avait conduit à la création d'un système médiatique français un peu particulier, qui a porté ses fruits. L'idée était de confier à l'État un rôle dans la régulation des débats d'opinion et dans le contrôle de cette concentration, notamment en instaurant des aides à la presse écrite. Lors des états généraux de la presse écrite en 2007, il était ressorti qu'il fallait poursuivre en ce sens. Rodney Benson, en comparant la manière dont l'immigration était traitée par la presse en France et aux États-Unis, a montré que ces aides de l'État permettaient de garantir un pluralisme assez fort dans la presse écrite, puisqu'on trouve aussi bien La Croix ou L'Humanité que des journaux d'investigation en ligne comme Mediapart, pour le plus connu d'entre eux. Ce système médiatique est économiquement très faible du côté de la presse écrite, mais il donne à voir une pluralité des opinions, alors qu'aux États-Unis, où c'est le seul marché qui régule, existe une très forte standardisation.

En comparaison, nous avons également une presse d'investigation très forte, alors même que, contrairement au Royaume-Uni, à l'Allemagne, avec le groupe Springer, ou aux États-Unis, nous n'avons pas de grands groupes de presse, mais des groupes industriels qui investissent dans les médias. Ce pluralisme des opinions, cet éclatement entre un grand nombre de petits médias du côté de la presse écrite et en ligne, nous ne les retrouvons pas dans l'audiovisuel, le bastion historique du gaullisme, qui en avait fait un média public, afin de résister à la presse écrite, qui était soit sociale-démocrate, soit communiste, soit démocrate-chrétienne. Depuis la libéralisation des ondes, en 1981, seul le marché régule. Une fois privatisée, TF1 n'a pas respecté ses engagements culturels sans subir de sanctions pour autant. On a laissé le marché réguler, ce qui a des conséquences sur la très forte standardisation des contenus audiovisuels.

Quelles solutions envisager ? Sans doute faudrait-il imaginer un système d'aides de l'État à des médias audiovisuels plus associatifs, plus représentatifs d'autres courants d'opinion, qui seraient capables d'avoir des créneaux dans des médias locaux, d'attribuer un ou deux canaux à des tissus associatifs, sans compter peut-être une plus forte régulation des temps de parole. Les interventions de certains chroniqueurs, qui ont des prises de position politiques très claires, et sur certaines chaînes, qui mènent un combat politique pour un parti, devraient être comptabilisées dans le temps de parole de ces partis. Il faudrait peut-être aussi modifier les règles de calcul du temps de parole présidentiel, qui n'est pas comptabilisé dans celui de la majorité.

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