Je suis enseignant chercheur à l'université de Bourgogne, spécialisé dans le domaine du journalisme. J'ai d'abord travaillé sur le traitement de l'actualité, principalement dans le cadre du journal télévisé (JT) de France Télévisions et s'agissant en particulier des quartiers populaires – c'était le sujet de ma thèse. Depuis, je m'intéresse à la production audiovisuelle des formats longs de reportages diffusés dans des émissions comme Envoyé spécial, Zone interdite, Cash investigation ou, sur la télévision numérique terrestre (TNT), Enquête d'action – plutôt consacrée à la police, à la gendarmerie et aux urgences – et, par extension, des formats documentaires d'investigation ou de société, sur Arte ou sur les plateformes telles que Netflix.
S'agissant des principales transformations du monde de la télévision et de l'audiovisuel sur lesquelles nous avons été interrogés, l'une des plus marquantes me semble être la place prise par l'audiovisuel, au sens large, dans les pratiques médiatiques. L'offre s'est développée, non seulement par le nombre des chaînes, en particulier de la TNT, mais aussi par les réseaux sociaux sur lesquels circulent des vidéos, et par les acteurs arrivés récemment que sont les plateformes, telles Netflix et Prime Video. Les pratiques médiatiques qui en découlent couvrent à la fois le domaine du divertissement et de l'information, si bien qu'on ne peut envisager une régulation du secteur de l'audiovisuel sans intégrer toutes ces offres, parmi lesquelles le public ne fait pas forcément de distinction.
Un deuxième élément marquant touche à la concurrence entre les chaînes, liée au développement du nombre de celles-ci. Dans le domaine de l'actualité quotidienne, la place prise par les chaînes d'information continue a eu pour effet de renforcer le poids de la couverture de l'information en direct, avec des envoyés spéciaux sur les lieux s'exprimant en direct ou des émissions de type conversationnel, avec des chroniqueurs en plateau qui commentent l'actualité. Ce type de traitement offre assez peu de recul et ne permet pas le travail en immersion sur le terrain propre au reportage que lançait traditionnellement le présentateur du journal télévisé. Cela a pour effet d'hypertrophier la couverture de certains événements, toutes les chaînes traitant en direct le fait principal du jour. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la multiplication des chaînes, notamment d'information, ne se traduit pas par une plus grande diversité des thématiques traitées – le pluralisme des points de vue est une autre question. La concurrence contribue plutôt à resserrer la focale sur quelques sujets, auxquels toutes les chaînes, en plus des journaux télévisés (JT) des chaînes classiques, vont s'intéresser.
Enfin, une autre transformation notable, en parallèle du traitement de l'information en continu, est le développement d'un traitement en format long – documentaires et autres cinquante-deux minutes –, sur les plateformes mais également sur les chaînes de la TNT. Des chaînes comme RMC Découverte sont dédiées aux documentaires, tandis que d'autres, comme Arte, développent leurs plateformes et leur offre à la demande de replay – c'est d'ailleurs l'orientation actuelle des chaînes de se transformer en plateformes ; même BFM TV a développé des formats longs.
On observe cependant une standardisation de ces formats longs, en particulier sur des chaînes de la TNT, dont les budgets sont limités. Toutes les émissions qui font la chronique de l'activité de la police, de la gendarmerie ou des urgences et se présentent comme de l'information sont en réalité excessivement standardisées. Cela contribue également à surdévelopper certaines thématiques, notamment les questions sécuritaires.
J'évoquerai, pour conclure, la chaîne d'information publique France Info TV, dont les moyens limités ne lui permettent de diffuser qu'assez peu de contenu inédit et beaucoup de productions de France 2 et de France 3. Avec 0,9 % d'audience – deux fois moins que LCI et CNews, et quatre fois moins que BFM TV –, le service public a de quoi progresser.