Ce que j'appelle le néo-souverainisme va au-delà de ce que beaucoup appellent le « sentiment anti-français ». Ce sentiment fait partie d'un mouvement idéologique beaucoup plus vaste, qui est le néo-souverainisme. Dans l'article que vous avez mentionné, j'ai essayé de définir rapidement les grandes lignes de ce mouvement. Ce mouvement gagne en influence et en ampleur, non seulement auprès des jeunes en Afrique, mais aussi dans certaines sphères dirigeantes sur le continent.
Je réaffirme également le fait qu'il puise une grande partie de ses ressources idéologiques et matérielles dans les diasporas. Au début, ce mouvement revendiquait la souveraineté entière du continent, au moment de la décolonisation. À partir des années 1980-1990, le mouvement s'est érigé en particulier contre ce qui apparaissait comme l'ingérence des institutions financières internationales dans le gouvernement économique du continent, par le biais des plans d'ajustement structurels. Il existe donc une dimension purement intellectuelle dans ce mouvement.
Depuis l'échec des grands mouvements citoyens des années 2000 et l'impasse des transitions dites démocratiques qui avait été initiées à l'époque, ce phénomène est devenu populiste. Il recrute dans toutes les couches de la société et utilise énormément les nouvelles technologies numériques aujourd'hui à la disposition de presque tous ceux qui veulent articuler n'importe quel propos. Ce mouvement émerge également au terme de plusieurs années de déscolarisation, qui ont accompagné d'ailleurs la mise en œuvre des plans d'ajustement structurel, du passage d'économies planifiées à des économies dérégularisées. Cette longue période de déscolarisation conduit aujourd'hui beaucoup de jeunes, que l'on peut qualifier « d'analphabètes » d'un point de vue fonctionnel, mais disposant évidemment de ces technologies, à relayer toutes sortes de messages sur les réseaux sociaux.