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Intervention de Thomas Gassilloud

Réunion du mercredi 15 novembre 2023 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThomas Gassilloud, président :

À présent, il est temps de nous consacrer à notre ordre du jour, qui concerne l'ouverture de notre cycle Afrique. Comme vous le savez, les événements récents en Afrique, et notamment au Sahel et au Gabon, questionnent légitimement notre politique africaine. Au centre de ces interrogations apparaît souvent le questionnement sur le niveau de militarisation de notre politique africaine.

Après le travail que nous avons produit l'an dernier sur le retour d'expérience de la guerre en Ukraine, il nous a donc semblé légitime et nécessaire que la commission de la défense s'empare de ce sujet, d'autant plus que nous constatons une montée en puissance en Afrique de nos compétiteurs stratégiques et parfois une dégradation de l'image de la France auprès de certaines franges de la population.

Pour nos travaux, nous pourrons nous appuyer sur le travail déjà réalisé au sein de notre Assemblée et au Sénat. Je pense notamment au rapport que viennent de déposer nos deux collègues de la commission des affaires étrangères, Bruno Fuchs – que je remercie pour sa présence aujourd'hui – et Michèle Tabarot. Ensemble, nous devons également arriver à nous projeter au-delà du bilan, pour nous interroger sur un grand nombre de questions, afin de repartir sur l'objectivation de nos intérêts en Afrique, nos objectifs et la forme pourrait prendre nos engagements auprès des pays africains. Il s'agit également de décliner ce partenariat stratégique en matière de défense et de sécurité.

En tant que président de commission, mon objectif vise à donner des éléments d'appréciation et de réflexion, afin que les groupes politiques puissent ensuite émettre des propositions au débat public national et éclairer les décisions qui devront être prises pour notre pays. Compte tenu de la variété des enjeux, il nous était bien entendu impossible de nous limiter au point de vue uniquement militaire, même si les enjeux de défense seront naturellement une référence constante dans ce cycle. Il nous a semblé important d'adopter une focale plus large, multidimensionnelle et continentale.

C'est la raison pour laquelle j'ai proposé à d'autres commissions de s'associer à nos travaux. Nous tiendrons plusieurs auditions conjointes dès la semaine prochaine, dont une audition avec la commission des finances concernant la question de la dette en Afrique et celle du franc CFA. Nous mènerons des travaux en commun avec d'autres commissions comme la commission du développement durable et la commission des affaires européennes par exemple, sur l'impact du dérèglement climatique en Afrique. Nous travaillerons également avec la délégation française de l'Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) sur les enjeux de la francophonie, mais également, je l'espère, avec la commission des affaires étrangères. Les présidents des groupes d'amitié des pays africains peuvent bien entendu s'associer également à nos travaux. L'ensemble de ces travaux fera l'objet d'un recueil, à l'image de ce que nous avions produit sur le retour d'expérience de la guerre en Ukraine, où l'ensemble des groupes politiques pourront également s'exprimer.

Pour l'ouverture de ce cycle, il nous a semblé indispensable de mieux comprendre et connaître l'Afrique. Notre interlocuteur pourra d'ailleurs nous dire s'il est juste de parler d'une Afrique ou s'il ne serait pas plus pertinent de parler « d'Afriques » au pluriel, compte tenu de la diversité de ce continent. Dans ce cadre, il me semblait que le meilleur choix était de convier Achille Mbembe, que je suis fier et heureux d'accueillir aujourd'hui en visioconférence.

Monsieur Mbembe, il est difficile de vous décrire en quelques mots, mais je rappelle que vous êtes à la fois philosophe et écrivain camerounais. Vous avez enseigné au sein des universités les plus prestigieuses et vous êtes actuellement professeur d'histoire et de sciences politiques à l'Université de Johannesburg, ainsi que directeur de la Fondation pour l'innovation et la démocratie.

Dans le cadre du sommet qui s'est tenu le 8 octobre 2021 à Montpellier, vous aviez été chargé par le Président de rédiger un rapport sur les nouvelles relations Afrique-France. Vous pourriez sans doute aujourd'hui revenir sur vos principales propositions et nous dire si elles vous apparaissent toujours adaptées dans le contexte actuel. Vos travaux ont acquis une renommée certaine, en particulier la thèse de la juste distance démocratique et politique qui, selon vous, devrait caractériser les relations entre la France et le continent africain.

Aussi, nous sommes vraiment très heureux de vous entendre sur les modalités concrètes de ce nouveau positionnement et sur les conditions d'un partenariat renouvelé entre la France et les États africains. D'une manière plus récente, vous défendiez dans les colonnes du Monde, en août dernier, l'idée que les putschs en Afrique de l'Ouest annoncent la fin d'un cycle qui aura duré près d'un siècle, laissant au continent africain le choix entre le néo-souverainisme et la démocratie.

Comment expliquez-vous ces évolutions et quelles conclusions en tirez-vous sur la relation que devra avoir la France avec l'Afrique ? Selon vous, quelle est notre place ainsi que celle de l'Union européenne dans cette relation ?

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