Intervention de Éric Coquerel

Réunion du jeudi 14 décembre 2023 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, président :

Je vous remercie, monsieur le directeur général. Avant d'en venir aux questions, je souhaite vous livrer une réflexion.

J'observe tout d'abord que le sujet de la dette a été considéré comme moins essentiel au moment de la crise du covid, la priorité ayant été donnée à la mobilisation de fonds visant à préserver notre économie. Si, auparavant, nous considérions la dette comme une problématique essentielle au sein de nos différents budgets, nous avons relativisé son importance avant de la laisser exploser. Cette politique de financement inhabituelle, pleinement assumée du fait de la pandémie, a conduit les banques centrales à racheter la dette qui n'était, dès lors, plus soumise aux règles du marché. Chacune des banques centrales nationales a ainsi pu détenir de la dette à hauteur de 20 % environ, ce qui était théoriquement contraire aux traités européens.

Le premier objectif de la dette est celui de faire appliquer des politiques telles que la réduction des dépenses publiques, ou encore une politique de l'offre. Je considère que le ratio rapportant le coût de la dette au PIB doit être appréhendé en pourcentage plutôt qu'en valeur. Il est aujourd'hui de 2,2 % du PIB et sera de 2,7 % en 2027, des niveaux bien inférieurs à ceux que nous avons connus dans les années 90 en France ou que connaissent actuellement les États-Unis, où il est de 4 % sans que la croissance du pays ne s'en trouve affaiblie pour autant. J'émets donc d'importantes réserves sur les mises en garde répétées qui servent à justifier les politiques de baisse des dépenses publiques. Et j'affirme que la dette, qui ne doit pas être cultivée pour elle-même mais pour son utilisation, est à la fois une nécessité pour la stabilisation macroéconomique et un outil d'investissement aussi puissant qu'indispensable. Il est en effet inenvisageable de financer sur une seule année des investissements qui serviront sur des années voire des décennies. Dans leur rapport, Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz préconisent d'ailleurs un endettement de 250 à 300 milliards d'euros en cumulé d'ici à 2030, considérant que la dette écologique est plus importante que la dette financière en ce qu'elle ne peut être ni effacée ni renégociée.

Dans son dernier rapport, l'ADEME évalue par ailleurs le coût de l'inaction écologique à 260 milliards d'euros par an. Rapporté à la charge de la dette, il apparaît comme beaucoup plus lourd pour nos finances publiques et pour notre économie en général au regard du sujet de la bifurcation écologique réaffirmé lors de la COP 28.

Ces constats amènent un ensemble d'interrogations. En premier lieu, ne pensez-vous pas que la volonté de réduire à tout prix le niveau de la dette soit susceptible de réduire la qualité de la signature de la France ? Cela doit nous amener à nous interroger sur les conditions actuelles de financement. De 1948 à 1966, la dette publique française était levée hors-marché, via un circuit du Trésor. La dette liée à la crise du covid a quant à elle conduit les banques centrales à prendre des mesures nouvelles permettant de sortir du marché une partie de cette dette. Ne devrions-nous donc pas tendre vers cette direction, notamment pour faire face à la question de la bifurcation écologique ? Cela permettrait de faire face à la pression des marchés et à la question des taux d'intérêt qui y sont liés. De la même manière, un plancher de détention d'OAT ne serait-il pas nécessaire pour sortir une partie de la dette du marché ?

La France émet depuis 2017 des OAT vertes destinées à financer des dépenses favorables à l'environnement selon une grille d'analyse fondée sur la taxonomie verte européenne. Le montant des émissions de cette catégorie de titre semble aujourd'hui contraint par le champ des dépenses éligibles, inférieures à 10 milliards d'euros par an selon les rapports annuels d'allocation et de performance des OAT vertes, alors même que la demande pour ces titres semble forte. Au regard des besoins évoqués, quel rôle ces titres vous semblent-ils pouvoir jouer à l'avenir ? L'achat d'obligations souveraines vertes par la Banque de France ne serait-il pas un meilleur moyen de répondre aux investissements nécessaires à la bifurcation écologique ?

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