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Intervention de Patrick Eveno

Réunion du jeudi 14 décembre 2023 à 14h00
Commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre

Patrick Eveno, professeur émérite à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ancien rédacteur en chef de la revue Le Temps des médias, ancien président du Conseil de déontologie journalistique et de médiation :

C'est en effet ce qui a été fait en Italie à un certain moment.

Cela conduirait à accroître encore plus le nombre de micro-partis.

Je vous rappelle que c'est le conseil d'administration de l'Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) qui a décidé d'instaurer le pluralisme à la télévision, en octobre 1969. Parce que, sous le général de Gaulle, la télévision appartenait au général de Gaulle. Il n'était pas question de pluralisme. Le Conseil constitutionnel avait imposé une représentation égale, mais seulement pendant les quinze jours qui avaient précédé l'élection présidentielle de 1965. C'est après le départ du général de Gaulle que l'on a d'abord imposé une représentation en trois tiers : un tiers pour le gouvernement, un tiers pour l'opposition et un tiers pour la majorité – le Président de la République restant au-dessus des partis. Il y a ensuite eu toute une série d'aventures.

Le pluralisme, c'est quelque chose d'extrêmement difficile.

Roch-Olivier Maistre a dû vous dire que CNews respectait le pluralisme des partis politiques – évidemment en truquant un peu, parfois, par exemple en diffusant certains plutôt à trois heures du matin qu'à huit heures.

Notre modèle de pluralisme n'existe nulle part ailleurs – à l'exception de la Roumanie, qui l'a copié. Dans la plupart des autres pays européens, on impose une équité – ce qui n'est pas l'égalité – et on laisse les journalistes décider. En Belgique, par exemple, des chaînes de télévision ont refusé de recevoir l'équivalent du Front national – dont je ne me souviens plus du nom. L'affaire est remontée jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), qui a confirmé qu'il était possible de refuser des gens que l'on considère n'être pas présentables à ses téléspectateurs. C'est intéressant. En France, quand MM. Zemmour ou Dupont-Aignan sont candidats, on est obligé de les faire passer à la télé.

C'est ce qui explique pourquoi TF1 a arrêté de réaliser des émissions politiques. Il fallait recevoir les seize candidats et leur accorder à chacun un temps de parole égal. C'est complètement aberrant. Cela faisait chuter massivement l'audience, et donc la publicité.

La question du pluralisme n'est donc pas simple et présente de multiples facettes.

Réduire le nombre de chaînes sur la TNT poserait un autre problème. On dit que tous les Français disposent désormais de télévisions connectées. C'est exact : tous les postes que l'on achète offrent cette possibilité. Mais beaucoup de gens ne s'en servent pas. Moi-même, je me sers de ma télévision à l'ancienne, parce que je suis un vieux monsieur – peut-être plus encore que M. Bolloré. Une diminution du nombre de chaînes disponibles risque de froisser des gens qui n'ont pas forcément un niveau culturel très élevé et qui sont isolés dans des campagnes mal desservies par la fibre. Ces gens qui sont en déshérence ne seront peut-être pas très contents qu'on leur laisse seulement les cinq chaînes auxquelles ils avaient accès auparavant.

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