J'ai organisé en 2012 un colloque international dont les actes, intitulés Pour une télévision de qualité, ont été publiés en 2014. Il en ressort notamment que les spectateurs sont très sensibles au fait que les chaînes et les programmes tiennent leurs promesses.
Il existe un indicateur, QualiTV, qui prend en considération de nombreux critères. Mais les chaînes privées refusent qu'on publie les mesures de satisfaction du public sur leurs programmes. Nous devons nous battre pour définir des indicateurs et les utiliser.
L'atteinte à la dignité de la personne est difficile à caractériser. Le débat oppose souvent ceux qui estiment qu'on peut tout montrer au nom du devoir d'informer et de la liberté d'expression et ceux pour qui des limites existent. Quand on examine les effets des images, on pense soit aux journalistes, soit aux spectateurs, mais trop peu à celui qui est dans l'image – que Roland Barthes appelle le spectrum. En 2010, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a examiné le cas de l'émission « Dilemme », dans lequel une candidate devait se laisser traîner en laisse comme un chien pour faire gagner de l'argent à son équipe. Le CSA était très mal à l'aise avec cette question. Ainsi, selon l'éthique contemporaine du philosophe Ruwen Ogien, la réponse appartient à la candidate : si elle consent, il n'y a pas de problème. En revanche, lorsque Cyril Hanouna fait croire à un de ses chroniqueurs qu'il a assisté à un assassinat et le laisse bouleversé pendant vingt-quatre heures, il lui fait du tort, sans son consentement. C'est une autre forme d'atteinte à la dignité.
Le vrai problème est le manque de finesse des indicateurs. J'ai étudié la place des femmes dans les fictions. Le célèbre test de Bechdel contient trois critères : un des personnages principaux est une femme ; quand deux femmes se parlent, elles n'évoquent pas toujours leur vie personnelle ; le comportement des femmes n'est pas systématiquement réduit aux archétypes féminins – celui de la bavarde, par exemple. Dans les faits, il n'est pas suffisant. Il arrive que les personnages masculins parlent de leur vie sentimentale – constamment, dans la très belle série The Affair. Les analyses de l'Arcom sont purement quantitatives et ne rendent pas compte du jugement que la fiction porte sur la réalité. Le personnage féminin est-il une chômeuse ? Il faut introduire des indicateurs bien plus subtils, par exemple en s'interrogeant sur le trajet du personnage d'une série de la première à la dernière saison.