Dans une approche différente, je me suis interrogée successivement sur la procédure, le contenu et le contrôle des autorisations, qui sont l'objet de votre commission d'enquête.
La procédure d'attribution ne pose pas de problèmes. Il me semble que la loi garantit sa transparence et son impartialité – sa mise en œuvre étant un autre sujet. La procédure est transparente puisqu'elle prévoit la publication des appels à candidatures, des déclarations de candidatures très détaillées, la publication de la liste des candidatures recevables, l'audition des candidats et finalement la publication des autorisations délivrées. Dans l'ensemble, les critères fixés par le législateur tendent à l'impartialité. Le critère fondamental de l'intérêt du public recouvre deux dimensions : d'une part le pluralisme, d'autre part la diversité des opérateurs, visant à garantir la libre concurrence. La régulation est donc à la fois juridique et économique.
On peut toutefois considérer que certains critères favorisent les acteurs en place, puisqu'il est question de l'expérience acquise par les candidats, du financement et des perspectives d'exploitation, ainsi que du coût des investissements nécessaires. Un autre critère, enfin, est ambivalent : celui du respect par les candidats, dans leurs activités antérieures, des obligations leur incombant : principes d'honnêteté, d'indépendance et de pluralisme, représentation de la diversité de la société française et respect de l'article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881, entre autres.
S'agissant ensuite du contenu des conventions d'autorisations, je commencerai par une remarque au sujet de ce que tout le monde qualifie d'obligations déontologiques – un terme qui m'interroge sur la forme et sur le fond.
Sur la forme d'abord, le législateur n'emploie pas le terme de déontologie mais ceux d'honnêteté, de pluralisme et d'indépendance. Ce sont des principes éminemment déontologiques, certes, mais il me semble que la déontologie désigne les règles émanant d'une profession. Cela peut sembler n'être qu'une question sémantique, mais la prétention de l'Arcom à intervenir en matière de déontologie constitue un facteur de grande impopularité auprès des journalistes et des médias : elle est vue comme un censeur des journalistes, même si chacun sait que ses contrôles portent sur les éditeurs. C'est ainsi notamment qu'a été perçue son intervention concernant le traitement médiatique des attentats de janvier 2015, lorsqu'elle a relevé trente-six manquements, émis quinze mises en garde et prononcé vingt-une mises en demeure – ce qui était certes beaucoup. Ce phénomène s'accroît car, sous l'influence du droit européen, notamment de la directive 2010/13/UE du 10 mars 2010 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, dite « directive services de médias audiovisuels (SMA) » et du règlement (UE) 2022/2065 du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques dit « Digital Services Act », le régulateur doit maintenant encourager à l'autorégulation. Il me semble pourtant que l'autorégulation devrait être volontaire et émaner des médias eux-mêmes ; c'est le cas notamment en matière de publicité et de respect des obligations des plateformes.
Sur le fond, la maîtrise de l'antenne interroge également. Lorsqu'une chaîne est mise en garde, mise en demeure ou sanctionnée pour non-maîtrise de l'antenne, les journalistes concernés peuvent y voir une modalité de contrôle de leur travail. Quant à la représentation de la diversité de la société française, les chiffres du rapport de l'Arcom parlent d'eux-mêmes : elle est encore loin d'être parfaite, aussi bien s'agissant de l'origine des personnes que du handicap, de la catégorie socioprofessionnelle ou du genre. Les conventions prévoient des dispositions particulières s'agissant de la représentation des femmes. Si l'Arcom se félicite des progrès quantitatifs de leur présence à l'antenne – 46 % à la télévision, alors que les femmes représentent 52 % de la population –, elle relève cependant qu'elles ne disposent que de 36 % du temps de parole total et même de 32 % seulement dans le secteur privé.
Les principes d'honnêteté et d'indépendance de l'information posent également question. Souvent, les conventions font référence aux recommandations de l'Arcom, quand ces recommandations disposent elles-mêmes que les obligations des éditeurs seront précisées par leurs conventions ! Quant au droit d'opposition et aux chartes déontologiques, ils constituent une obligation légale, mais certaines chartes sont purement formelles – j'oserais presque dire qu'elles ne sont que des prospectus.
J'en arrive enfin au contrôle des autorisations. On parlait autrefois du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) comme du gendarme de l'audiovisuel. S'il en va également ainsi de l'Arcom aujourd'hui, alors ce gendarme fait un usage assez modéré de son pouvoir de sanction. Alors que la loi prévoit une mise en demeure préalable à toute sanction, le CSA puis l'Arcom ont ajouté la lettre simple, la lettre ferme et la mise en garde. Cette gradation offre une souplesse dans la mise en œuvre du pouvoir de sanction, mais elle est source de confusion pour le public.
Il arrive que des sanctions pécuniaires – d'un montant parfois élevé – soient prononcées. L'Arcom peut également demander l'insertion de communiqués au sein des programmes, une pratique fondée sur le principe de la mise au pilori ou name and shame, sans doute moins onéreuse mais plus efficace. Les autres sanctions possibles sont assez peu utilisées. C'est le cas notamment de la suspension du programme pour une durée maximale d'un mois, qui serait pourtant envisageable dans certains cas – sachant que le Conseil constitutionnel avait validé cette sanction, au regard de la séparation des pouvoirs comme de la liberté de communication.
La professeure Broyelle a évoqué la multiplication des compétences de l'Arcom. Celle-ci nuit-elle à son efficacité ? Je me demande quant à moi si le fait que le droit européen et le droit français lui aient imposé un rôle en matière de supervision des plateformes ne la conduirait pas à moins réguler les médias audiovisuels traditionnels.