Je vous remercie de l'intérêt que vous portez à la HAS et, monsieur Califer, de vos vœux de succès.
Comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, je dresserai, dès mon arrivée, un état des lieux. J'évaluerai les besoins, compte tenu des missions qui sont celles de la HAS aujourd'hui et des projections que nous pouvons effectuer, et j'essaierai de les chiffrer. Les demandes que je formulerai dans la perspective de la prochaine loi de financement seront ainsi étayées. Pour le moment, je suis étonné par le décalage entre le plafond d'emplois, la dynamique des moyens et l'ampleur des missions confiées à la HAS. L'une de mes priorités sera donc d'apprécier la réalité de cette situation.
Je commencerai par répondre au référent, M. Neuder. L'antibiorésistance n'est pas un sujet négligé par la HAS et par les autorités politiques. Vous avez également évoqué l'avis du HCSP. Dans le cadre de l'accréditation des médecins et des équipes médicales, la HAS est particulièrement attentive aux remontées concernant les infections associées aux soins. Elle travaille également sur les recommandations de bon usage des antibiotiques, ce qui rejoint l'enjeu de déploiement des logiciels. Je reviendrai tout à l'heure sur la lenteur et le caractère perfectible de celui-ci. En mars, la Commission de la transparence a fait évoluer sa doctrine, afin de prendre en compte le cas particulier des médicaments qui faciliteraient la lutte contre l'antibiorésistance. Cet élément a été identifié de manière spécifique pour la première fois.
S'agissant des délais moyens d'accès de la population à un médicament pris en charge par l'assurance maladie, la France se situe dans le milieu du peloton européen. Ils sont en effet de 497 jours, alors qu'ils s'élèvent à 133 jours en Allemagne. L'Italie est un peu meilleure que la France et l'Espagne un peu en retrait. Toutefois, pour les molécules innovantes, les procédures françaises d'accès précoce permettent de modifier la hiérarchie. Même si l'Allemagne reste devant, à 54 jours, nous descendons à 169 jours, laissant l'Italie et l'Espagne sensiblement derrière nous.
Une fois que l'autorisation de mise sur le marché est délivrée, il faut réaliser les évaluations médico-économiques, puis procéder à la négociation et à la publication du prix. Toutes ces étapes peuvent expliquer les délais. Pour ce qui relève de la HAS, ceux-ci sont en moyenne de 187 jours, ce qui excède la limite fixée par la directive. L'Allemagne ne la respecte pas non plus, à 220 jours. Toutefois, le délai médian, qui neutralise les cas extrêmes, est de 87 jours, et de 74 jours en prenant en compte l'accès précoce. Tout ne se résume pas à une avalanche de chiffres, mais il faut être précis sur ce qui est mesuré.
Je tenais à objectiver la situation et à rappeler que le délai moyen, toutes procédures confondues, ne pouvait pas résumer le travail des équipes et des experts. Cependant, je ne nie pas l'importance du problème. Lionel Collet a d'ailleurs annoncé que le renforcement de l'efficacité administrative était l'une de ses priorités.
En ville, l'ASMR V a un impact sur le prix, mais n'empêche pas la prise en charge. Je suppose que votre question concernait la liste en sus à l'hôpital. Historiquement, celle-ci n'était ouverte que jusqu'aux ASMR III. En 2021, elle a été élargie aux ASMR IV. Deux évolutions récentes de doctrine sont intervenues pour l'ASMR V. Depuis mars 2023, la Commission de la transparence distingue deux types d'ASMR V : celles relatives à des médicaments qui n'apportent pas d'amélioration et celles relatives à des médicaments dont nous ignorons s'ils pourront prouver qu'ils en apportent. S'agissant de cette seconde catégorie, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024 prévoit la procédure d'accès précoce prolongé, afin de permettre une continuité de prise en charge au-delà du terme initialement prévu. L'efficacité de ce mécanisme devra toutefois être évaluée assez rapidement.
Pour ce qui est des actes de biologie délocalisée, je prendrai plus précisément connaissance du dossier lorsque je prendrai mes fonctions. Je vous apporterai une réponse écrite si vous le souhaitez. De manière plus générale, le Rihn est un chantier important pour la HAS. Il rejoint d'ailleurs la question des équivalents temps plein.
Au départ, le Rihn devait être provisoire. Il a ensuite été pérennisé et la loi ne l'a confié à la HAS que récemment. Il pose deux problèmes. Tout d'abord, les données d'évaluation des actes qui y sont inscrits sont insuffisantes. Le traitement administratif des actes se heurte par ailleurs à un goulot d'étranglement. La loi a fixé des délais, des procédures et des responsabilités. Une évaluation sera, là encore, nécessaire.
Afin d'améliorer l'appropriation des recommandations de bonnes pratiques par les professionnels de santé, la HAS a réuni, pendant trois ou quatre ans, une commission pluriprofessionnelle spécifique. Comme le président Collet l'a indiqué, celle-ci s'est appuyée sur une expertise issue des sciences humaines et sociales. Elle a émis ses recommandations il y a quelques mois. Elle a préconisé une nouvelle structuration de la communication, de nouveaux formats. Certains messages sont parfois un peu noyés, alors qu'ils correspondent à des besoins précis. Un plan d'action a été défini. Il faut maintenant le mettre en œuvre.
La France est en effet un pays fortement consommateur de médicaments. La HAS a émis de nombreuses recommandations dans ce domaine, ce qui rejoint la question de leur appropriation. Je vous renvoie donc au programme de travail défini à la suite des préconisations de la commission que je viens d'évoquer. Par ailleurs, la certification périodique des professions de santé pourra être l'occasion d'évoquer le colloque singulier entre le patient – qui est parfois le demandeur – et le professionnel. La formation initiale et continue doit probablement être renforcée pour en permettre une meilleure gestion.
S'agissant de l'impact du secteur de la santé sur l'environnement, vous avez rappelé l'existence de la feuille de route santé environnement de la HAS. Dans les référentiels de certification des établissements de santé et d'évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux, la gestion des déchets constitue déjà un élément important. Une nouveauté a été introduite dans l'évaluation des dispositifs médicaux par la LFSS 2024. La commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé, qui est la commission compétente de la HAS, pourra prendre en compte dans son avis le caractère adapté du conditionnement par rapport aux conditions d'utilisation projetées par exemple. Le cas échéant, elle pourra imposer des remises conventionnelles aux industriels, ce qui constituera une forme d'incitation financière. Pour le moment, cette disposition n'a pas encore été appliquée. Il faudra évaluer la manière dont elle le sera.
L'acceptation de la vaccination est un défi que nous devons relever. Je suis très attaché à la lutte contre cette défiance que j'ai évoquée dans mon propos liminaire. Dès mon arrivée à la HAS, j'analyserai les mesures qui sont mises en œuvre en ce sens. Néanmoins, même s'il ne s'agit pas d'un vaccin, il existe parfois de bonnes surprises. Nous n'avions pas anticipé le taux d'adhésion au Beyfortus, indiqué dans la prévention des bronchiolites, par exemple.
La question du repérage des femmes victimes de violences conjugales m'a été posée à plusieurs reprises. Vous avez rappelé les résultats d'une étude menée récemment par la HAS pour évaluer l'application de ces recommandations par les professionnels. Les chiffres peuvent en effet paraître très faibles, puisque seulement 3 % des femmes – un peu plus en prenant en compte uniquement les médecins traitants – ont été interrogées spontanément lors d'une consultation. Nous sommes très loin de l'objectif. En revanche, alors que nous pouvions craindre un décalage entre le besoin réel et le besoin ressenti, cette étude confirme l'acceptation de la démarche par 96 % des femmes. Nous ne disposons de ces résultats que depuis novembre. Nous en tirerons des enseignements, afin de mieux toucher les professionnels par nos messages. Ce travail sera évidemment mené en partenariat avec eux.
Je ne peux pas vous répondre concernant les contrôles des ARS, qui ne sont pas dans le champ de compétences de la HAS.
Concernant la gestion des conflits d'intérêts, vous avez évoqué des scandales. Si vous pouvez me transmettre des précisions par écrit, je vous répondrai.
Les déclarations d'intérêts visent à assurer la transparence en matière de liens d'intérêt, mais ceux-ci ne constituent pas forcément des conflits. Ce sont ces derniers qu'il faut éviter. La HAS a été l'une des premières autorités sanitaires en Europe à se doter d'un guide de détection des conflits, en fonction de l'ancienneté des liens d'intérêts, de leur intensité ou de leur nature. Il peut exister des difficultés, qui débouchent parfois sur des contentieux. Par rapport aux volumes de travaux de la HAS, les situations problématiques restent rares, même si nous devons œuvrer à ce qu'elles ne se produisent pas. Le déontologue de la HAS, M. Gelli, réalise un travail remarquable dans ce domaine.
S'agissant du groupe de travail relatif à la prise en charge de la transition de genre, les travaux sont en cours et devraient déboucher sur des recommandations au premier semestre 2024. Des recours, y compris auprès de la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada), ont été déposés à propos de sa composition. La HAS n'a pourtant pas appliqué de doctrine particulière. Les noms des membres des groupes de travail ne sont rendus publics qu'à l'issue de leurs travaux, afin d'éviter toute pression extérieure. En l'occurrence, la presse a largement relayé le contexte et le fait que certaines personnes pouvaient être mises en danger. Je crois qu'un litige est en cours devant le tribunal administratif de Montreuil à la suite d'une saisine de la Cada. Je ne peux donc pas me prononcer tant que le juge n'a pas rendu sa décision.
La question des 20 millions d'euros évoqués par Lionel Collet a été résolue pour le moment, grâce au rebasage opéré par la loi LFSS 2024. Reste à traiter les sujets de maîtrise des coûts, de budgets nécessaires pour le fonctionnement de la HAS à l'avenir et surtout de plafond d'emplois.
Si une nouvelle loi est adoptée concernant la fin de vie, la HAS interviendra probablement, ne serait-ce que pour évaluer les produits qui seraient utilisés. Il est toutefois trop tôt pour que je me prononce à ce sujet. La HAS a déjà produit de nombreux travaux, notamment des recommandations sur la mise en œuvre de la sédation prolongée et continue issue de la loi Claeys-Leonetti de 2016 ou des recommandations sur la fin de vie en établissement social et médico-social dans le contexte du covid, mais ceux-ci s'inscrivent dans le cadre législatif actuel.
S'agissant du papillomavirus, vous avez rappelé les enjeux de santé publique. La HAS a affirmé la pertinence de la vaccination. Toutefois, même si celle-ci doit relayer les messages auprès des professionnels et accompagner la démarche, elle n'est pas en charge de l'organisation des campagnes de vaccination.
Dans sa feuille de route santé-environnement, la HAS souligne que les efforts doivent être accentués en matière de prévention secondaire et tertiaire. Les messages restent trop centrés sur la prévention primaire. Puisque la question de la sédentarité a été évoquée, je profite de l'occasion pour inviter tous ceux qui, comme moi, sont souvent assis à prendre connaissance des recommandations formulées à ce sujet. Elles sont utiles et très pratiques. Elles peuvent intéresser tous les citoyens et ne s'adressent pas qu'aux professionnels de santé.
Depuis 2011, la HAS est attentive aux recommandations concernant les traitements non médicamenteux, à partir du moment où ils se fondent sur des preuves, ce qui est le cas en matière d'activité physique. La loi permet d'ailleurs une prescription large de l'activité physique adaptée. Dans le cas de certains cancers, la LFSS 2024 prévoit une expérimentation qui s'accompagne d'une prise en charge par le fonds d'intervention régional. La HAS y est très favorable et encourage ces initiatives.
Nous assistons à un bouleversement du secteur de la téléconsultation. De nouveaux modèles économiques, auxquels nous devons être attentifs, apparaissent. La HAS mène actuellement des travaux sur les lieux de téléconsultation, afin de préciser les conditions qui lui semblent nécessaires d'un point de vue médical. Ils devraient déboucher de manière imminente. Un autre chantier concerne l'agrément des sociétés de téléconsultation, qui fournissent le matériel et les salariés assurant les prestations. La HAS a déjà adopté un référentiel de bonnes pratiques en 2022.
Vous avez évoqué l'exploitation des EIGS. La HAS a récemment publié une fiche flash précisant les points d'attention à ne pas négliger en téléconsultation. Les principales questions que doivent se poser les professionnels en matière d'adéquation de la téléconsultation et d'orientation des patients sont résumées en deux pages.
La question des stratégies médicamenteuses des grands acteurs de l'industrie pharmaceutique ne relève pas directement de la HAS, qui est une autorité d'expertise scientifique. Néanmoins, ses avis sur le service médical rendu ou l'ASMR, qui ont un impact sur les prises en charge et sur les prix, sont l'un des éléments de l'écosystème. Celui-ci est en profonde mutation, comme le montre le rapport de la mission sur la régulation et le financement des produits de santé. Le marché français et l'ensemble des marchés européens sont de moins en moins pilotes. En revanche, le poids du marché américain s'accroît. Les marchés asiatiques jouent également un rôle croissant.
L'indépendance est une obligation déontologique pour tout agent public, en particulier dans des fonctions comme celles que j'ai occupées au Conseil d'État. C'est à ça que je pense tous les matins quand j'arrive à mon travail ou, pour reprendre votre expression, en me rasant. Au-delà de cette obligation déontologique, l'indépendance est également garantie par la collégialité. Là aussi, je le constate au Conseil d'État, aussi bien dans les missions juridictionnelles que dans le rendu des avis sur les projets et propositions de loi ou sur les projets de décret. Enfin, l'indépendance repose sur la gestion des liens et des conflits d'intérêts.
Certains experts ne peuvent pas faire partie de groupes de travail en raison de leurs liens d'intérêts, mais la HAS peut les auditionner, notamment s'il existe peu de spécialistes du sujet. L'important est de faire preuve de transparence.
En ce qui concerne l'augmentation du nombre de médecins qui exercent à temps partiel, le problème est celui de la démographie médicale dans les territoires. C'est un vaste sujet, qui n'est pas dans le champ de compétences de la HAS. Dans mes fonctions actuelles à la section sociale du Conseil d'État, je constate toutefois qu'il existe de nombreuses initiatives pour essayer de trouver des solutions. La téléconsultation peut en être une.
Je voudrais revenir sur le bilan des EIGS, publié en novembre. Nous sommes confrontés à un fort taux de sous-déclaration. Nous recensons un peu moins de 3 000 EIGS, alors que les évaluations qui ont été réalisées laissent penser que l'ordre de grandeur est plutôt de quelques centaines de milliers. Nous devons donc améliorer la remontée de ces informations, que la HAS reçoit de manière anonymisée. Les retours d'expérience sont très précieux pour améliorer les pratiques. Ils permettent notamment de rédiger les nouveaux contenus flash, que j'ai évoqués tout à l'heure.
S'agissant des pénuries et des messages d'alerte, il convient de rappeler que les éditeurs de logiciels d'aide à la prescription ou d'aide à la dispensation peuvent être certifiés, mais que ce n'est plus une obligation. Elle existait précédemment, mais la Cour de justice de l'Union européenne a jugé cette disposition contraire au droit européen. La réglementation sur les dispositifs médicaux ne laisse pas d'espace à une certification. Celle-ci ne peut donc être que facultative.
Quand la HAS fait du relais de ses recommandations une condition de la certification, elle ne peut toucher que les éditeurs qui s'inscrivent dans cette démarche. Or ils ne représentent que 30 % du marché pour les logiciels d'aide à la prescription et beaucoup moins pour les logiciels d'aide à la dispensation. Pour améliorer la situation, nous devons donc travailler en partenariat, dans un contexte qui restera néanmoins incitatif.
Je pense avoir répondu à l'ensemble de vos questions et, à cette occasion, vous avoir apporté quelques précisions concernant l'impact réel des recommandations formulées par la HAS.