En tant que référent de la commission pour la HAS, je souhaiterais vous alerter, ainsi que l'ensemble de la commission, au sujet de la pandémie silencieuse, véritable bombe à retardement, qu'est l'antibiorésistance. D'ici à 2050, elle pourrait être responsable de 10 millions de décès par an dans le monde et devenir la première cause de mortalité.
La France est classée dans le dernier tiers des vingt-sept États membres de l'Union européenne dans la prévention et la prise en charge de l'antibiorésistance. Or, pour le Conseil de l'Union européenne, la résistance aux antimicrobiens est l'une des trois menaces sanitaires à anticiper et à combattre prioritairement.
Je salue le travail de la HAS, qui a émis des recommandations en matière de pertinence des actes et des prescriptions. Récemment, elle a ainsi modifié sa recommandation de bonne pratique relative aux antibiogrammes ciblés en cas d'infection chez la femme. Toutefois, la tendance reste inquiétante et les acteurs institutionnels impliqués dans la prévention et l'accès thérapeutique peinent à la renverser. Nous attendons l'évaluation qu'en fera le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), mais la stratégie 2022-2025 de prévention des infections et de l'antibiorésistance en santé humaine est trop tardive et ne s'accompagne pas de mesures et de moyens à la hauteur de cette menace grandissante. Quel regard porte la HAS sur ce manque de prise de conscience ? Quel rôle concret pouvez-vous jouer dans la rationalisation de la prescription et dans l'accès thérapeutique, notamment aux nouveaux antibiotiques ?
Nous devons par ailleurs rénover notre système d'évaluation et de financement de l'innovation. Celui-ci est aujourd'hui très contraint, alors qu'il devrait permettre d'encourager l'innovation tout en préservant notre système de santé solidaire. Des propositions pertinentes figuraient dans le rapport de la mission sur le financement de la régulation des produits de santé, publié cet été. Elles ont toutefois été peu reprises dans le PLFSS adopté il y a quelques jours.
Des évolutions dans l'organisation et les procédures de la HAS ont permis une réduction significative du délai d'évaluation des médicaments. Cependant, le traitement d'une grande majorité des dossiers excède encore les quatre-vingt-dix jours prévus par la directive européenne dite « transparence ». Comment nous rapprocher des résultats de certains de nos voisins européens, qui affichent des délais bien plus courts ?
S'agissant de l'évaluation des médicaments innovants par dérogation, accès précoce ou accès compassionnel, l'obtention d'une amélioration du service médical rendu (ASMR) de I à III reste, en dépit des ajustements de doctrine, un événement beaucoup trop rare. Celui-ci est généralement lié à un bénéfice thérapeutique important, qui ne peut être évalué que dans une ou plusieurs études randomisées comparatives. Or, pour certains traitements anticancéreux, la réalisation de telles études est quasiment impossible. Quelle révision de doctrine serait souhaitable pour améliorer l'accès à ces thérapies innovantes, qui reste très difficile ? La question a déjà été abordée avec la directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
Par ailleurs, je souhaiterais évoquer les enjeux de développement et de financement de la biologie délocalisée. Le financement de ces examens a changé. Le paiement au prorata des actes, qui existait jusqu'en 2015, a été remplacé par un dispositif fondé sur l'encadrement de la prescription. L'utilisation du référentiel des actes innovants hors nomenclature (Rihn) offre davantage de souplesse, mais présente néanmoins des limites. Le remboursement trop partiel vient amputer les missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation. La réforme paraît inaboutie dans son application et sa traduction réglementaire.
Concernant la biologie délocalisée, un avis de la HAS, sollicité par le ministère pour identifier les situations médicales pertinentes pour ces examens, constitue un préalable à la publication d'un arrêté précisant les lieux et les personnes habilitées. La procédure, qui dépend du bon vouloir du Gouvernement, est trop contraignante. Dans quelle mesure la HAS pourrait-elle s'autosaisir pour rendre cet avis ?
Vous l'aurez compris, toutes ces questions doivent faire l'objet d'un travail de rénovation d'ampleur. Néanmoins, je suis certain de pouvoir compter sur M. Lessi pour engager ces chantiers, en lien avec la représentation nationale. Comme référent de la commission pour la HAS, je veillerai à ce que nous n'éludions pas ces problèmes majeurs pour l'accès thérapeutique et l'égal accès à l'innovation, dans notre pays et plus largement dans toute l'Europe.