Je suis très honoré d'avoir été désigné par le président Lionel Collet et de soutenir ma candidature devant votre commission.
Après avoir rappelé brièvement mon parcours, j'évoquerai le contexte dans lequel je présente ma candidature et j'expliquerai comment je me projette dans ces fonctions de directeur général de la HAS. Je le ferai avec une certaine humilité, puisque je ne suis pas encore en poste.
Jusqu'à présent, l'essentiel de ma carrière s'est déroulé au Conseil d'État, dans des fonctions de rapporteur ou de rapporteur public. J'en tire deux convictions de méthode, qui sont transposables à la HAS. La première est l'importance de la collégialité. C'est de la confrontation contradictoire des points de vue que sortent les décisions ou avis de qualité. La seconde est la nécessité d'indépendance. Je ne parle pas de l'indépendance d'esprit, qui doit animer tout agent public et qui est source d'innovation, mais de l'indépendance totale de l'institution vis-à-vis des décisions et avis rendus. Évidemment, celle-ci n'exclut pas l'écoute de toutes les parties prenantes.
Au Conseil d'État, j'ai exercé toutes mes fonctions dans les chambres compétentes pour les sujets sanitaires et sociaux. À la section du contentieux, j'ai été rapporteur ou rapporteur public de nombreux dossiers relatifs au prix ou à l'admission au remboursement de tel ou tel médicament. À la section sociale, j'ai rapporté de nombreux textes dans le champ sanitaire et social, dont la plupart des projets de loi d'urgence sanitaire. J'ai également été rapporteur général du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024. Cette expérience ne fait pas de moi un spécialiste pointu de tous les sujets traités par la HAS. Elle me permet néanmoins de disposer d'une vision globale des acteurs, des enjeux et des liens entre le sanitaire et le médico-social.
De 2017 à 2020, j'ai été secrétaire général de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Ce poste est comparable à celui de directeur général de la HAS, dans le sens où il s'inscrit dans le même schéma institutionnel. J'exerçais mes fonctions sous l'autorité d'une présidente exécutive, auprès d'un collège. Je dirigeais l'action de l'ensemble des services, représentais l'institution et en garantissais l'indépendance. J'ai par ailleurs appris à manager des experts. Beaucoup étaient juristes – je n'étais pas dépaysé ! –, mais d'autres étaient ingénieurs ou développeurs, spécialistes des technologies et des systèmes d'information. Il fallait organiser le dialogue entre tous ces corps de métiers pour rendre les meilleures décisions et produire les meilleurs avis possibles.
Mon passage à la Cnil m'a permis de découvrir les enjeux numériques en général et dans le champ de la santé en particulier. J'étais en poste au moment de la mise en œuvre du règlement général sur la protection des données, de l'élargissement du système national des données de santé, de la création de la plateforme des données de santé – le Health Data Hub –, de la montée des questionnements autour de la recherche sur les entrepôts de données de santé, etc. Tous ces sujets étaient importants pour la Cnil et sont également majeurs pour le système de santé et la HAS.
La HAS est une autorité publique indépendante à caractère scientifique. Elle fournit l'expertise nécessaire à la régulation du système de santé par la qualité et l'efficience. Concrètement, cela se traduit par un trépied distinguant trois types de missions.
La HAS évalue les technologies de santé, les dispositifs médicaux, les médicaments et les actes professionnels pour que les décideurs publics – les payeurs – identifient les produits et les pratiques qui sont utiles et en déterminent la prise en charge. Elle publie les recommandations de bonnes pratiques professionnelles, ainsi que les recommandations vaccinales. Enfin, elle mesure et contribue à l'amélioration de la qualité dans le champ sanitaire et médico-social, grâce à la certification des établissements de santé, à l'organisation de l'évaluation de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, à l'accréditation des équipes médicales, etc.
Pour toutes ces missions, le fil rouge est l'amélioration de la qualité et de la pertinence des prises en charge et l'instauration d'une culture de la qualité et de la sécurité des soins.
Les missions de la HAS se sont démultipliées et densifiées. L'article L. 161-37 du code de la sécurité sociale a fait l'objet de trente-et-une modifications depuis 2004 – toutes les missions n'y sont pas codifiées. Rien que par la dernière loi de financement de la sécurité sociale, la HAS se voit confier cinq nouvelles missions ou extensions de missions. Ces évolutions sont notamment liées à l'innovation en santé. Depuis une dizaine d'années, nous assistons à une vague considérable de progrès thérapeutiques et de progrès organisationnels liés au numérique. De ces derniers découlent de nouvelles missions en matière de télésurveillance, de suivi des dispositifs médicaux numériques, d'élaboration du référentiel des actes innovants hors nomenclature, etc. Par ailleurs, nous faisons face à une transformation des attentes sociales, de la demande et des besoins en santé. Elle s'explique par le vieillissement de la population, le développement des maladies chroniques, l'apparition de la médecine de parcours, les suites de la crise du covid-19, la nouvelle répartition des responsabilités entre professionnels de santé, les enjeux de démographie médicale et de qualité de vie des soignants, la situation à l'hôpital ou la revendication croissante du droit à l'autodétermination en santé par les patients. Tous ces éléments renforcent les exigences adressées aux pouvoirs publics, en particulier à la HAS.
Je ne détaillerai pas les principales orientations de la HAS, car Lionel Collet les a développées lors de précédentes auditions et qu'une nouvelle feuille de route stratégique sera élaborée l'année prochaine. J'insisterai cependant sur quelques points. Tout d'abord, nous devons renforcer la place des usagers. Ils participent déjà aux travaux de la HAS, mais nous devons probablement franchir une étape supplémentaire. La dimension prospective doit également être accentuée. La HAS est au contact des innovations et pourrait en tirer davantage d'enseignements pour aider à dessiner le paysage de demain. Enfin, il paraît souhaitable d'améliorer l'efficacité administrative. Pendant la crise du covid-19, la HAS a démontré qu'elle était capable d'établir des recommandations et de rendre des avis rapidement.
Je pourrai, si vous le souhaitez, évoquer les enjeux qui nous attendent d'ici à trois ans à l'échelon européen.
Lorsque je me projette dans les fonctions de directeur général de la HAS – avec l'humilité de celui qui ne fait pas encore partie de cette institution –, quatre priorités m'apparaissent importantes.
Je m'attacherai tout d'abord à garantir la cohésion du collectif. Je veillerai à ce que les équipes soient soudées autour du projet de la HAS et de ses orientations. Je le ferai avec humanité, bienveillance et dans le respect du dialogue social. La HAS dispose d'un socle solide, grâce aux valeurs de rigueur, de transparence et d'indépendance, et j'y arriverai avec un esprit du service public très fort.
Je serai également attentif à garantir la transversalité au sein de la HAS. Celle-ci est nécessaire d'un point de vue opérationnel, pour assurer la qualité des prises en charge. Tous les défis que nous devons relever sont transversaux : le numérique, l'engagement des usagers, la résistance aux antibiotiques, la santé environnement, etc. Ces sujets irriguent toute l'activité. J'ajoute, par expérience, que la transversalité est motivante pour les agents. Elle permet à une personne située quelque part dans l'organisation de repérer des signaux faibles, qui alimenteront les travaux d'autres services. Elle facilite l'amélioration des pratiques en interne.
En tant que directeur général de la HAS, je devrai par ailleurs hiérarchiser les travaux et allouer les moyens aux services. Le PLFSS et les textes financiers pour 2024 ont permis le rebasage de la dotation de l'assurance maladie à 71,9 millions d'euros. Les ressources humaines constitueront toutefois l'une de mes priorités. Le plafond d'emplois de la HAS est passé de 438 à 443 entre 2023 et 2024, soit une augmentation de 5 équivalents temps plein travaillé (ETPT), après une augmentation de 4 ETPT l'année précédente. Ce chiffre m'interpelle quand je vois l'ampleur des nouvelles missions confiées à la HAS en matière de guichets d'accès précoce, de télésurveillance, de référentiel des actes innovants hors nomenclature, de certification des prestataires de services et distributeurs de matériel. Je ferai un point à ce sujet dès que je prendrai mes fonctions.
Enfin, même si elle n'a pas attendu mon arrivée, je garantirai l'ouverture de la HAS. C'est la force de l'indépendance de pouvoir être ouvert à tous. Il s'agit également d'une nécessité opérationnelle. Je veillerai à la qualité des relations avec l'ensemble des administrations concernées, c'est-à-dire les administrations centrales, les autres agences du champ sanitaire, les agences régionales de santé (ARS) et les conseils départementaux pour la partie médico-sociale. Je travaillerai également au rétablissement de la confiance et à la lutte contre la défiance des citoyens. Le problème concerne tout ce qui exprime une forme d'autorité et n'est pas propre à la HAS. Dans les fonctions qui seront les miennes, j'essaierai cependant de contribuer à sa résolution.