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Intervention de Mireille Clapot

Réunion du mercredi 13 décembre 2023 à 17h00
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMireille Clapot :

Je salue à mon tour la qualité du travail de cette commission d'enquête. J'ai été assez assidue pour apprécier le respect qui a prévalu lors de nos travaux, y compris entre députés ne partageant pas forcément les mêmes opinions.

Ce travail apporte un certain nombre de clarifications. La technicité ferroviaire est bien expliquée dans le rapport. Nous sommes tous favorables au fret ferroviaire, non seulement du fait de son empreinte écologique, mais aussi parce que nous soutenons les cheminots et les « fretteux » – pour reprendre un terme utilisé lors de nos travaux –, dont nous ne voulons pas que le savoir-faire se perde.

Nous regrettons tous la dissymétrie constatée entre le chemin de fer et la route. Si M. le président a relevé tout à l'heure que la part modale du fret ferroviaire était finalement assez stable – autour de 10,6 % ou 11 % –, on constate une tendance lourde et continue à la baisse du tonnage transporté. Cette évolution s'explique par des facteurs endogènes, tels qu'un défaut de priorisation par rapport à l'activité voyageurs, et exogènes, comme la désindustrialisation. Nous pouvons cependant tous saluer la politique significative de soutien à ce mode de transport menée depuis quelques années, dans le cadre de la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire, qui se traduit par des aides financières à hauteur de 330 millions d'euros. Je voulais souligner ces faits, qui sont mentionnés dans le rapport.

Au vu des auditions auxquelles j'ai assisté, le risque financier est réel et nous pouvons tous convenir que l'exécutif a cherché à le réduire le plus possible en faisant le choix de la discontinuité. J'entends les contestations mais, s'agissant des autres options possibles, je reste sur ma faim – c'est le principal problème que me pose ce rapport. On peut critiquer ce qui a été décidé, mais à condition de formuler d'autres propositions. Ne rien faire n'est pas une solution.

J'en viens à des remarques plus ciblées sur ce rapport, dont je redis la qualité. Je déplore qu'il comporte autant de termes négatifs, comme celui de « démantèlement », qui revient tout le temps. Je me suis amusée à chercher des synonymes, et j'ai trouvé « démolition », « destruction », « abolition », « désorganisation », « déconstruction », « extinction », « disparition » – je vous épargnerai « dissolution ». Tous ces synonymes sont très négatifs : je ne peux donc pas cautionner un emploi aussi systématique de ce terme dans le rapport.

En outre, certaines relations de cause à effet me semblent abusives. Vous écrivez ainsi que « le droit européen de la concurrence a exigé une libéralisation progressive du secteur ferroviaire, qui aboutit aujourd'hui au projet de démantèlement de Fret SNCF » : vous refaites a posteriori un enchaînement qui n'est pas démontré. Vous prétendez également que « les aides d'État sont un prétexte utilisé par la Commission européenne pour réaliser un objectif de longue date : le démantèlement de l'opérateur public ». On est quasiment dans le complotisme : je ne peux absolument pas m'associer à une telle affirmation. C'est dommage ; les titres des parties sont un peu excessifs par rapport à leur contenu.

À l'instar de M. le président, je regrette l'absence de focus sur la qualité de service. J'ai bien sûr ma propre grille de lecture, que je garde de l'époque où je faisais des achats, y compris dans le secteur de la logistique. Quand on est chargeur, on n'a pas de présupposés idéologiques : ce qu'on cherche, c'est la confiance, la ponctualité, la fiabilité, la qualité de service, l'absence d'annulation des transports. Je n'ai pas lu grand-chose là-dessus, excepté une mention lorsqu'est évoquée l'éventualité d'une modulation des péages en fonction de la qualité de service.

Je regrette également que vous consacriez tant de pages à l'écotaxe et que vous insistiez autant sur cette proposition assortie de modalités pas très satisfaisantes.

Je déplore en outre que vous parliez autant des investissements relatifs aux infrastructures. Il est aussi possible d'investir pour améliorer la qualité de service que je viens d'évoquer.

La structure des coûts du fret ferroviaire, qui diffère de celle d'autres modes de transport, aurait pu faire l'objet de développements plus importants. Cela nous aurait peut-être amenés à aborder la question des différences de coût du travail évoquée par M. le président.

En dépit de toutes les qualités que je reconnais à ce rapport, je ferai comme M. le président : je m'abstiendrai.

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