. – Nous avons été conduits à évoquer la question des petits réacteurs au cours d'auditions récentes et je voudrais ici en profiter pour dissiper toute ambiguïté. Trois principes fondamentaux s'appliquent à l'ensemble des réacteurs. Le premier concerne la responsabilité première de l'exploitant. Il ne suffit pas de respecter des règles fixées par l'autorité. L'exploitant doit d'abord proposer une installation sûre et en apporter la démonstration. Le deuxième principe porte sur l'exigence d'un haut niveau de protection des personnes et de l'environnement pour les réacteurs, mais aussi pour les usines de fabrication et de retraitement de leurs combustibles, ainsi que pour la gestion des déchets. L'ASN ne fera pas de compromis sur ce point. Le troisième principe, extrêmement important, a trait aux règles de transparence, qui sont bien plus exigeantes que dans le reste de l'industrie.
Cela étant, ces réacteurs innovants posent naturellement des questions spécifiques, qui appellent des réponses elles aussi spécifiques. La première concerne le niveau de sûreté attendu. La différence essentielle entre les gros et les petits réacteurs porte sur les sites d'implantation. Les petits réacteurs ont vocation à être implantés sur des sites industriels, qui sont parfois bien plus proches de zones densément peuplées que ne le sont les gros sites nucléaires aujourd'hui. Il est inenvisageable d'évacuer la population dans de telles zones, contrairement à ce qui est prévu aujourd'hui dans les plans d'intervention autour des sites nucléaires. Dès lors, les démonstrations de sûreté de ces réacteurs doivent fournir la preuve que les rejets restent négligeables. De ce point de vue, les petits réacteurs ont des caractéristiques favorables, mais encore faut-il le démontrer de façon rigoureuse. Ici, l'une des difficultés porte sur le moindre retour d'expérience sur ces technologies. Les deux conditions pour la sûreté sont donc la réduction des conséquences des accidents à due proportion de la proximité des zones densément peuplées et la rigueur des démonstrations attendues à cet effet.
La deuxième question concerne le souhait de la plupart des porteurs de projets que ces réacteurs soient autorisés dans les mêmes conditions dans plusieurs pays, ce qui pose l'enjeu de la standardisation et de l'harmonisation des règles de sûreté à l'échelle internationale. Dans le cadre de l'Association des responsables de sûreté nucléaire d'Europe de l'Ouest (WENRA), nous avons lancé un travail commun sur des objectifs de sûreté harmonisés pour les petits réacteurs modulaires. Mais nous souhaitons aller plus loin, pour viser un objectif de standardisation. Celui-ci est cependant difficile à atteindre, dans la mesure où la responsabilité en matière de sûreté nucléaire reste nationale. Aussi, est-il exclu, pour l'ASN et ses homologues, d'accepter des autorisations instruites dans un autre pays sans les examiner. La meilleure option consisterait à faire travailler ensemble les autorités nationales, à un stade très précoce du développement de ces projets, pour procéder à l'examen conjoint d'un même dossier de sûreté présenté simultanément dans plusieurs pays par un même porteur de projet. Nous avons agi de la sorte sur le projet NUWARD, d'abord avec nos homologues finlandais et tchèques, avant d'élargir l'examen conjoint aux Pays-Bas, à la Pologne et à la Suède. Il s'agit là d'une première à l'échelle mondiale, qui me semble constituer la voie la plus prometteuse.
La troisième question relève des pratiques d'instruction avec les nouveaux entrants. Nous devons établir un dialogue avec plusieurs acteurs qui viennent nous voir simultanément et que nous avons à cœur de traiter équitablement. À cet effet, nous avons monté une équipe dédiée pilotée par Philippe Dupuy. Nous veillons à engager nos ressources de manière proportionnée à la maturité des projets. Ces échanges nous ont permis d'identifier des questions difficiles sur les plans techniques, par exemple certains de ces projets envisagent l'absence d'opérateur sur site, ou juridiques, comme le partage de responsabilité lorsque le propriétaire du réacteur et celui du terrain sur lequel il est implanté sont distincts. L'instruction des objectifs de sûreté, la coopération internationale, le dialogue technique, etc. ne se feront pas sans des moyens supplémentaires pour l'ensemble ASN et IRSN. Nous travaillons sur ces sujets techniques de manière commune avec l'IRSN, avec une équipe conjointe interlocutrice des porteurs de projets, sans aucun compromis en matière de sûreté, de rigueur des démonstrations et de transparence.