Intervention de Grégory Allione

Réunion du jeudi 9 novembre 2023 à 9h30
Mission d'information de la conférence des présidents sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles

Grégory Allione, inspecteur général, directeur de l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (Ensosp) :

À mon sens, le recrutement des officiers, des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, mais également l'hétérogénéité des dispositifs et des difficultés des territoires doivent nous interpeller.

Sur le recrutement des sapeurs-pompiers professionnels, et notamment des officiers, il y a réellement quelque chose qui est en train de se produire. L'ouverture de l'école et du monde de la sécurité civile doit se poursuivre. Aujourd'hui, les promotions de jeunes officiers et de lieutenants se caractérisent par une féminisation et des niveaux de cursus très importants ; ces évolutions contribuent à la richesse du corps des officiers.

Il faut poursuivre les efforts pour modifier cette image d'Épinal que le monde des sapeurs-pompiers pouvait avoir au regard de l'administration centrale ou des décideurs. Le sapeur-pompier n'est pas uniquement le villageois que l'on connaissait et qui était en charge d'une unité opérationnelle. C'est aujourd'hui un cadre supérieur, ou une personne ayant la capacité de le devenir.

Je rencontre aujourd'hui de jeunes gens, et notamment de jeunes filles, qui ont fait khâgne et hypokhâgne. Ils ont des cursus très importants. Certains ont réussi le concours de l'ÉNA ou sont ingénieurs de formation et souhaitent pour autant rejoindre le monde des sapeurs-pompiers. Je côtoie également des officiers qui intègrent la profession alors qu'ils sont âgés de 40 ans. Ils ont connu une première vie professionnelle dans le secteur privé, mais souhaitent désormais intégrer le corps des sapeur-pompiers professionnels. Nous constatons l'existence de ces nouveaux profils dans notre école.

Nous entrons dans un nouveau mouvement de gestion de la ressource humaine des sapeurs-pompiers : on ne gère plus aujourd'hui les sapeurs-pompiers ou les officiers de sapeurs-pompiers comme on les gérait auparavant. Ce nouveau modèle doit prendre en compte la mobilité et de la transversalité des différents parcours. De nos jours, on n'entre plus officier ou sapeur-pompier professionnel pour y passer quarante années, mais on met à profit cette expérience professionnelle dans le cadre d'autres fonctions.

Cette réalité suppose d'adapter notre gestion managériale pour porter une attention accrue aux nouveaux profils ainsi qu'aux profils atypiques. Des évolutions statutaires seront nécessaires, non pas en termes d'indemnité ou de rémunération, mais surtout sur le plan de la gestion des carrières. Auparavant, on ne reconnaissait les officiers de sapeurs-pompiers que lorsqu'ils avaient vingt ans de botte à chaque pied. Dorénavant, il va falloir reconnaître les gens pour leurs compétences intrinsèques et leur faire confiance, même s'ils sont jeunes.

Par ailleurs, il faut désormais prendre en compte le fait qu'un sapeur-pompier professionnel ou un officier ne consacrera qu'une partie de sa vie à cette activité professionnelle. Il faut en ce sens réfléchir aux enjeux de retraite et de va-et-vient entre les différentes fonctions. Il s'agit peut-être de lui garantir une reconnaissance de sa vie professionnelle de sapeur-pompier avant de rejoindre une autre activité, qui pourra être, le cas échéant, dans le secteur lucratif. La loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique souhaitait aller dans ce sens, mais peine à s'appliquer pleinement dans le corps.

Troisièmement, nous devons améliorer les perspectives de carrière des officiers de sapeurs-pompiers. Lorsque vous êtes jeune officier de sapeurs-pompiers, que vous soyez lieutenant ou capitaine, il arrive un moment où l'espace territorial et fonctionnel qui est le vôtre ne suffit plus. Vous avez envie de vous nourrir de nouvelles expériences professionnelles. Avec nos structures, le SDIS, la direction générale de la sécurité civile, l'Ensosp et l'état-major de zone, il s'agit de permettre à certains cadres de rejoindre nos états-majors plus rapidement que d'autres. Aujourd'hui, nous n'y sommes pas encore préparés, mais ce sujet est compris dans la question de l'hétérogénéité et des évolutions structurelles à apporter.

Je souhaite également évoquer le sujet des sapeurs-pompiers volontaires. Selon moi, nous n'avons pas de difficultés à recruter, mais plutôt à fidéliser. Il y a bien évidemment des difficultés dans certains bassins ruraux ou urbains. D'ailleurs, le sujet des plannings et du recrutement est presque un « marronnier ». Nous devons mener une réflexion sur la manière de fidéliser les sapeurs-pompiers volontaires. Il y a de vrais sujets managériaux et de reconnaissance dans le monde des sapeurs-pompiers. L'une des difficultés essentielles tient au fait qu'on le considère trop souvent comme un monde territorial en dehors de toute politique publique centrale d'État.

Le député Fiévet a communiqué récemment sur le sujet du volontariat. Il a félicité la fédération nationale pour ses travaux, en particulier pour le livre blanc sur le volontariat qui a été remis. Je pense qu'il y a énormément de matière dans ce document-là pour développer des pistes favorisant le recrutement de sapeurs-pompiers volontaires et pour les fidéliser.

L'hétérogénéité des problématiques, de la gestion des politiques de ressources humaines et des politiques de sécurité civile au sein des territoires sont d'autres sujets cruciaux. Aujourd'hui, la force des SDIS est d'être des structures à taille humaine, avec un périmètre départemental, permettant de répondre aux enjeux de sécurité civile au quotidien. On l'a vu lors de la crise du Covid et on le voit en ce moment même dans le nord de la France. Cette échelle de gestion financière, humaine et opérationnelle constitue une véritable force.

Pour autant, elle peut parfois apparaître comme étant une faiblesse, du fait de l'hétérogénéité des politiques publiques sur le territoire. Il y a un sujet probablement structurel quant à l'animation des services départementaux d'incendie par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC). C'est la tête de réseau des services d'incendie et de secours, mais elle n'a peut-être pas suffisamment de moyens humains et d'officiers de sapeurs-pompiers pour les armer.

Même si nous avons tous la volonté de contribuer au mieux, il est parfois difficile d'administrer ce réseau-là. À titre de comparaison, l'organisation du ministère de l'intérieur, plus pyramidale, peut paraître plus facile à animer. La direction générale de la sécurité civile n'a pas nécessairement la capacité réelle à impulser des politiques sur certains territoires.

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