Monsieur le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, le Conseil européen a décidé le 14 décembre d'ouvrir les négociations en vue de l'adhésion de l'Ukraine et de la Moldavie à l'Union européenne, une perspective qui inquiète nos agriculteurs – inquiétude légitime, renforcée par votre engagement transparent.
En cas d'adhésion, l'Ukraine deviendrait la première puissance agricole de l'Union européenne, et de très loin la première bénéficiaire de la politique agricole commune (PAC) : elle recevrait, selon les prévisions, 186 milliards d'euros sur sept ans, soit le triple de ce qu'aura perçu la France entre 2021 et 2027. L'Ukraine ne joue pas selon les mêmes règles que nous : son modèle agricole est industriel et productiviste, reposant sur d'immenses exploitations et presque entièrement tourné vers l'exportation.
Il y a deux jours, interrogé sur le sujet, vous émettiez le souhait que le géant agricole ukrainien, une fois intégré à l'Union européenne, cherche à conquérir des marchés dans le monde sans entrer en concurrence avec nos producteurs. Mais qui peut croire un instant que nous serions en mesure d'éviter une telle concurrence, alors que l'Union européenne est déjà le premier marché d'export des produits alimentaires ukrainiens qui, portés par des coûts de revient dérisoires, ne font que progresser ?
Monsieur le ministre, lorsque vous êtes interpellé sur l'injustice subie par nos producteurs et la concurrence déloyale, votre réponse est malheureusement souvent la même. L'interdiction des semences de betteraves enrobées, alors que nos voisins peuvent utiliser l'acétamipride et que leurs produits se vendent en France, vous n'y pouvez rien : c'est l'Europe. La réglementation permettant l'opacité sur l'origine des mélanges de miels, malgré la crise de la filière apicole française – de nombreux courriers vous interpellent sur le sujet –, vous n'y pouvez rien : c'est l'Europe. La dégradation du nutri-score du pruneau d'Agen – sujet important pour mon département –, vous n'y pouvez rien : c'est l'Europe. Des exemples de ce type, il y en a hélas dans toutes les filières.
Votre rôle, monsieur le ministre, n'est pas d'acquiescer aux demandes de la Commission européenne. Nos agriculteurs attendent autre chose. Alors que vous avez renoncé à défendre les éleveurs français contre la suspension des droits de douane sur les produits ukrainiens, allez-vous enfin placer notre agriculture en tête de votre engagement ?