Dans ma circonscription, comme partout dans le pays, les files d'attente des Restos du cœur s'allongent à cause de l'inflation des prix de l'alimentation et de l'énergie, et vous inventez une nouvelle usine à gaz. Après avoir fanfaronné sur la grande victoire française obtenue dans la négociation européenne, vous avez fini par céder aux exigences contraires du PDG d'EDF, et vous vous obstinez à coller des rustines sur des mécanismes de marché.
En matière d'électricité, un marché ne peut fonctionner ni pour assurer la stabilité et la visibilité des prix, ni pour financer les investissements nécessaires, encore moins pour garantir l'égal accès à ce bien de première nécessité. C'est ce que nous ont dit les économistes et les représentants de consommateurs lors du colloque que nous avons organisé le 26 octobre dernier. Ces experts ont insisté sur l'ineptie de transformer les usagers en traders ainsi que sur l'inutilité des fournisseurs alternatifs, qui ne fournissent rien d'autre que la facture et dont l'existence même fait nécessairement monter les prix.
Pour remplacer l'Arenh, vous sortez de votre chapeau un tarif cible de 70 euros par MWh auquel EDF vendrait son énergie nucléaire à ces fameux fournisseurs et dont les dépassements au-delà de 80 euros seraient taxés pour être reversés au consommateur. Combien, pour qui, comment ? Nul ne le sait. Ce tarif maintient d'ailleurs un écart important entre un coût de production, dont la Commission de régulation de l'énergie (CRE) estime qu'il ne dépassera pas 57 euros du MWh sur la période 2026-2030, et un prix au consommateur dont le montant n'est pas garanti. Personne ne comprend, en effet, comment seront calculés les tarifs réglementés, qui, après avoir bondi de plus de 70 % en dix ans, grimperont encore de 10 % au 1er février prochain avant de disparaître. En réalité, ce tarif surévalué sert à financer la relance du nucléaire dont les résultats seront de toute façon trop tardifs pour décarboner notre économie d'ici à 2050.
Vous vous êtes entendue avec M. Rémont pour qu'EDF signe des contrats de gré à gré avec des entreprises électro-intensives qui investiraient dans les nouveaux réacteurs en échange d'un volume d'électricité et d'un prix stable sur plusieurs années. Le contribuable couvrira-t-il les éventuelles défaillances d'EDF auprès de ces gros clients ? À l'inverse, que se passera-t-il si un industriel fait faillite ? Ces contrats pourront-ils être conclus avec des entreprises étrangères ? Et si, comme l'hiver dernier, des délestages sont envisageables, va-t-on couper le courant aux ménages, PME et collectivités pour le réserver à ces gros clients, potentiellement étrangers ?
À rebours de vos mirages libéraux, nous proposons de revenir à un opérateur public national intégré, gérant toute la chaîne, de la production à la commercialisation. Cette maîtrise publique pleine et entière permettrait d'avoir des tarifs fondés sur les coûts de production réels, et un pilotage optimisé du système. Cela ne ferait nullement obstacle à nos échanges avec nos voisins et emporterait, à coup sûr, l'adhésion des salariés de l'opérateur historique.
Madame la ministre, votre gouvernement fait croire depuis des mois qu'EDF est nationalisée. Dites-nous donc ce qui empêcherait l'application de notre proposition si simple et évidente.