Pour transporter la matière nucléaire, tous les modes de transports peuvent être utilisés, seuls ou combinés : elle peut être transportée sur des bateaux pour les transports internationaux, sur des trains, sur des camions ou même par avion. Le choix du mode de transport dépend de nombreux facteurs : la nature de la matière transportée, son volume, la masse du colis de matière nucléaire, les infrastructures disponibles, les distances à parcourir et, bien entendu, la réglementation en vigueur. Certains types de matière ne peuvent être acheminés que par un seul mode de transport, tandis que d'autres sont multimodes.
Le groupe Orano transporte le concentré minier, fabriqué dans le monde entier – mais pas en France, où nous ne disposons pas de mines d'uranium. Ce matériau arrive en France par les ports du Havre, de Dunkerque et de Fos-sur-Mer, ainsi que par Hambourg et Rotterdam. Les fûts qui le contiennent sont placés dans des conteneurs maritimes standards de type ISO 20 pieds. Les bateaux livrent généralement quelques dizaines de conteneurs, qui sont ensuite placés sur un train : une locomotive vient récupérer nos conteneurs pour les conduire à l'usine de Malvési, à côté de Narbonne. Dans le meilleur des cas, les bateaux arrivent à Fos-sur-Mer, qui est assez proche, mais dans le cas général, le combustible arrive plutôt au Havre ou à Dunkerque. Compte tenu de sa nature et de son volume, le concentré minier est systématiquement transporté par rail sur le territoire français, mais aucune obligation réglementaire ne s'oppose à le charger sur un camion.
Vient ensuite la conversion, qui produit un composé gazeux de fluorure d'uranium (UF4 ou UF6 naturel). Celui-ci peut être transporté indifféremment par la route ou par le rail, sans contrainte réglementaire. Le choix du mode de transport dépend alors principalement du volume de chaque livraison : pour moins d'une dizaine de cylindres – sachant qu'on peut poser quatre cylindres sur chaque moyen de transport –, on choisit plutôt le camion, et le train pour les livraisons importantes, de l'ordre de plusieurs dizaines de cylindres. L'UF6 gazeux est ensuite enrichi sur le site Orano du Tricastin (passage de 0,7 % à 4 à 5 % de teneur en isotope radioactif U235). Comme l'hexafluorure d'uranium (UF6) naturel, l'UF6 enrichi peut lui aussi être transporté par camion ou par le train.
Le combustible est fabriqué dans l'usine Framatome de Romans-sur-Isère, où il est presque systématiquement transporté par route vers les centrales EDF. Une fois ce combustible utilisé dans les centrales EDF, il est sorti du réacteur, et envoyé pour traitement et recyclage à l'usine de La Hague. Nous privilégions le transport ferroviaire pour les combustibles usés à destination de l'usine de La Hague, nous y reviendrons en détail par la suite. De cette usine de La Hague sortent principalement deux types de produits : du plutonium, renvoyé à Melox par camion, et du nitrate d'uranyle, renvoyé dans des citernes acheminées par le train vers le site du Tricastin pour faire de l'uranium de retraitement. En termes de volumétrie, on compte une vingtaine de trains par an acheminant chacun de dix à cinquante conteneurs pour le concentré minier, et quelques dizaines pour les composés de fluorure d'uranium. Pour le combustible usé, on compte plutôt les wagons que les trains, et on en dénombre cent cinquante à deux cents par an. Quant au nitrate d'uranyle, il représente environ un train par semaine, parfois un peu moins, car sa production est interrompue pendant quelques semaines dans l'année. Enfin, l'uranium appauvri issu du processus d'enrichissement est envoyé par la voie ferroviaire sur le site de Bessines-sur-Gartempe, dans le Limousin, pour entreposage. Cette matière est également utilisée dans le mox.
Nous transportons donc par le rail tous types de matières, à l'exception du plutonium, qui n'est réglementairement pas autorisé au transport par rail pour des raisons de protection physique, et du combustible mox qui, pour les mêmes raisons, circule uniquement par la route.
Le transport de produits nucléaires représente moins de 0,15 % du fret ferroviaire français, soit un volume très modeste, mais il fait l'objet d'une grande attention de la part des équipes de Fret SNCF compte tenu de l'enjeu sécuritaire et organisationnel afférent et des contraintes réglementaires spécifiques à ce transport. Cela suppose une formation importante des acteurs à tous les niveaux.
Nous nous appuyons donc, pour le transport ferroviaire, sur le plan de transport global de la SNCF : nos colis sont mélangés avec tout le reste du fret pour des raisons économiques et pratiques, afin de bénéficier de la souplesse de ce processus pour éviter l'effet « nez rouge » car, malgré le trisecteur et les scellés, la majorité de nos colis de matières nucléaires transportés au milieu du fret classique sont banalisés dans le multi-lots multi-clients. Nous pouvons également recourir à des trains dédiés, mais cela doit être dans le cadre des moyens résiduels du plan de transport du fret : nous nous faufilons dans les sillons et employons les locomotives qui restent, toujours donc avec des moyens mutualisés : nous ne possédons pas de locomotives dédiées à nos transports et nous ne pourrons jamais le faire.
Le transport de combustibles usés que nous assurons pour EDF est propre à la France. Comme l'a dit M. Louvet, le recyclage est un choix français : dans d'autres pays, le combustible usé est conservé dans les centrales, que ce soit en piscine ou en entreposage à sec. La France a choisi d'envoyer ses combustibles usés à La Hague pour les recycler, ce qui suppose de les transporter. Ce transport se fait exclusivement par voie ferroviaire, avec néanmoins, pour un tiers des centrales, de petites dessertes routières pour joindre la centrale au réseau. Les deux tiers de nos centrales sont embranchées, ce qui signifie que la voie ferrée arrive jusque dans la centrale.
Les colis, qui pèsent plus de 100 tonnes, voyagent sur des wagons spéciaux capables de porter des colis de grande capacité et tractés par des locomotives de Fret SNCF pour des trajets de plusieurs centaines de kilomètres qui ne pourraient techniquement pas être accomplis par la route, car certains ponts et ouvrages d'art ne supporteraient pas le poids de ces convois. Qui plus est, l'arrêté de 2006 relatif aux transports exceptionnels préconise que les transports répétitifs et exceptionnels doivent être effectués de manière privilégiée par le rail ou par voie fluviale mais, en tout cas, pas par la route. À l'exception donc de petites dessertes de quelques dizaines de kilomètres au maximum et – exception qui confirme la règle – des trajets entre la centrale de Flamanville et l'usine de La Hague, distante d'une vingtaine de kilomètres dans le Cotentin, on utilise à 100 % le train.
Pour le transport de combustibles usés, l'offre mutualisée de Fret SNCF permet de répondre avec un professionnalisme inégalé aux contraintes des opérateurs industriels que sont EDF et Orano. Nous sommes en France trois entreprises publiques possédant un savoir-faire important dans ce domaine. Nous avons essayé de faire monter en compétences d'autres opérateurs de fret, mais sans jamais y réussir. Pour nous, Fret SNCF est vital.