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Intervention de le général Thierry Poulette

Réunion du mardi 14 novembre 2023 à 9h00
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

le général Thierry Poulette, commandant du centre de soutien des opérations et des acheminements :

Nous vous remercions de nous recevoir pour évoquer la logistique, domaine dans lequel nous avons tous deux effectué la totalité de notre carrière. Après une brève introduction, nous vous présenterons l'organisation du transport militaire ferroviaire ; j'ai tenu à venir avec le lieutenant-colonel Lamaty car il est le commissaire militaire de la commission centrale des chemins de fer (CCF) des armées françaises. Nous évoquerons enfin les impacts du plan de discontinuité tels que nous avons pu les estimer – alors que tout n'est pas encore très clair pour nous.

Permettez-moi de me présenter brièvement : j'ai d'abord travaillé pour la circulation routière – ce que nous appelons les acheminements. J'ai commandé en métropole un régiment du train et en opération extérieure un bataillon logistique, déployé notamment en Afghanistan en 2010, à l'époque où 5 000 Français y combattaient. Ma carrière s'est déroulée en grande partie à l'international puisque j'ai servi trois ans à l'état-major de l'Union européenne à Bruxelles, puis trois ans au plus haut niveau de l'état-major de l'OTAN à Mons, au quartier général des puissances alliées en Europe – le SHAPE.

Depuis le 15 février 2022, je commande le centre du soutien des opérations et des acheminements (CSOA), qui est responsable aujourd'hui du déploiement et du redéploiement d'environ 25 000 soldats français partout dans le monde – c'est le cœur de notre mission – ainsi que de la coordination du soutien. Ces soldats sont soit en opération, soit parmi les forces prépositionnées, par exemple au Sénégal, en Côte d'Ivoire, au Gabon ou à Djibouti, soit au sein de nos forces de présence dans les DROM-COM. J'ai sous mes ordres environ 180 personnes à Villacoublay, ainsi que des centres de mise en œuvre. L'un est un régiment du train basé à Toulon, spécialisé dans le transbordement maritime – l'interface terre-mer. L'autre, le centre des transports et transits de surface, situé à Montlhéry, emploie une centaine de personnes ; c'est lui qui met en œuvre les trains, avec la SNCF.

Nous disposons, pour remplir notre mission de trois grands types de moyens. Tout d'abord, des moyens patrimoniaux, avec des avions de transport stratégique : Airbus A330 civils et MRTT (multirôle de ravitaillement en vol et de transport) ; des avions de transport tactique : Airbus A400M, qui sont mis à notre disposition par l'armée de l'air et de l'espace ; enfin, des avions de plus petite taille. Nous disposons également d'une flotte de camions appartenant à l'armée de terre, à l'armée de l'air et de l'espace et dans une moindre mesure à la marine.

Nous utilisons aussi des moyens externalisés, avec lesquels nous assurons 80 % de notre mission. Par exemple, nous louons à l'année deux bateaux ; des contrats nous permettent également de louer des places dans des avions ou des bateaux, la voie ferrée en est aussi un élément essentiel.

Enfin, nous pouvons bénéficier de moyens de nos alliés. Pour le redéploiement de nos forces en dehors du Niger, par exemple, des C-17 qataris effectueront une petite dizaine de rotations. De la même façon, lorsque nos forces ont quitté le Mali, nous avons utilisé des moyens émiriens, qataris, américains et canadiens.

Pour nous, la décarbonation des acheminements ne constitue pas la priorité : ce qui l'est, c'est de remplir notre mission. La prise en compte de la décarbonation des acheminements est dans une certaine mesure limitée par les impératifs de réactivité liés nos missions opérationnelles. Lorsqu'il s'est agi d'évacuer les soldats français du Mali, notre objectif a été de le faire en six mois, conformément à ce qu'avait ordonné le Président de la République le 17 février 2022. Nous nous intéressons cependant de plus en plus aux enjeux environnementaux et nous évertuons à privilégier la voie ferrée, qui est un moyen de transport plus vertueux en termes écologiques que l'aérien.

S'agissant enfin de l'importance du ferroviaire à l'aune de l'évolution majeure du contexte géopolitique, je suis légèrement en désaccord avec le président Valence : la voie ferrée gagne de nouveau en importance car elle représente un atout majeur à l'heure où les armées françaises se préparent de nouveau, comme lorsque j'étais jeune lieutenant dans les années 1990, à se déployer en force à l'est de l'Europe. Aujourd'hui, 75 % des ressources acheminées vers le flanc est de l'Europe le sont par la voie ferrée. L'importance croissante du transport ferroviaire se mesure au nombre de trains militaires que nous opérons chaque année : alors qu'il s'établissait jusqu'à maintenant à 300 en moyenne – principalement sur le territoire national –, il a quasiment été multiplié par deux et atteindra près de 500 trains fin 2023. Cela est dû principalement aux trains internationaux, les plus difficiles à réaliser. Nous avons ainsi acheminé de très nombreux trains vers la Pologne dans le cadre de cessions de matériel pour l'Ukraine, et nous envoyons presque tous les mois vers la Roumanie des trains de fret qui transportaient initialement du matériel roulant – chars, canons – et convoient aussi aujourd'hui du fret sensible, comme des munitions. Cela se fait en étroite collaboration avec Fret SNCF.

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